Étranges Ordinaires
146 pages
Français

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Étranges Ordinaires , livre ebook

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Description


Faire partie du tout, n’être qu’un individu parmi huit milliards, tel est notre lot commun. Et pourtant chaque être est unique, possède ses propres particularités physiques et intellectuelles, qualités rares ou tares qui le distinguent de tout autre et dont il ne peut que s’accommoder. Au fil des quarante-cinq micro-nouvelles de ses Etranges ordinaires qui constituent ce petit livre, Vincent Everaert nous mène à la rencontre d’autant de personnages fantastiques, comme vous, comme moi et cependant si différents. Dans ces textes courts souvent amusants, parfois tragiques, se mêlent plusieurs formes d’écriture, pour le plaisir des mots.


Vivrez-vous la vie dupliquée de Charles Drapier ou tomberez-vous follement amoureux de la maîtresse du temps ? Rirez-vous d’une vie de gros temps ou partagerez-vous les sentiments de la double vue de Mathilda ? Les faiblesses des hommes d’aujourd’hui, îlots de confort égoiste ou préférant la mort à la douleur seront-elles le miroir d’une vie si proche de la nôtre ? Quarante-cinq humains ordinaires ou étranges, imaginaires ou fantasmés attendent de nous montrer leur univers.


Il est temps d’ouvrir une page du recueil des Etranges ordinaires avec un extrait d’Icares :


« Ce rêve, qui ne l’a pas fait ? Vous êtes dans un jardin, peut-être le vôtre, une prairie ou un parc public. Les conditions météo sont idéales pour une première fois.


Marchez-vous ? Courez-vous pour prendre votre envol ? Ou vous contentez-vous d’une légère poussée de vos bras sur un coussin de molécules éthérées, soudainement sensibles à votre appel ? ...


Ce songe si paisible et sans fin, vous le connaissez ; vous le chérissez. Moi, je le vis et je l’abhorre. ... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 mai 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381242118
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vincent Everaert
ÉTRANGES ORDINAIRES
Récits ludiques
 
 
 
 
Couverture & mise en page : Léa Favereau – Atelier Bruine
© Bougainvillier éditions – Mars 2023
Tous droits de traduction, de reproduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
ISBN : 978-2-38124-208-8

Les monstres de Berti
 
Rouen, le 22 avril 2015. On a poussé les tables et disposé la vingtaine de chaises en un ovale approximatif. La petite salle entièrement vitrée du dernier étage est prête et Eduardo prend place dans la ronde, les élèves de l'école aussi. Il n'y aura pas de cours aujourd'hui !
Une première lecture, « Le magicien et l'enfant », qu'il fait suivre de « L'homme aux quatre genoux ». Deux textes courts issus de son livre la Vie impossible. L'écrivain plante le décor.
On l'interviewe.
Eduardo parle sans emphase, du roman et de la nouvelle, du fantastique et du quotidien, de l'espagnol et du français, de Marcel Aymé, Ray Bradbury, Borges. Il parle de son enfance, de ses tantes là-bas en Argentine. Et questionne son auditoire d'un jour : qui lit ? Qui écrit ? Qui aime ? Qui connaît ?
Eduardo veut lire encore mais ne retrouve pas la page. Alors il récite de mémoire et improvise, un peu.
Ils ont entre douze et dix-sept ans, les fesses sur une chaise et ils écoutent Eduardo, sourient à ses historiettes surprenantes. Beaucoup de jeunes filles et deux garçons, de plus en plus à l'aise malgré l'appréhension du début. Eux que la vie questionne férocement découvrent le parcours sinueux de l'auteur.
L'université suivie de loin... Pas vraiment intéressé par les cours de littérature, pas vraiment par les leçons creuses de journalisme. Les premiers boulots dans un pays neuf qui lutte encore contre les démons de la dictature, la première radio libre, les rencontres, le premier livre, la France. Et l'Oulipo. Un unique fil conducteur, la passion d'écrire depuis toujours.
Eduardo hésite un instant. Il ne veut pas en rester là. Il revient sur « L'homme aux quatre genoux » et décrit la construction du texte, la simplicité des moyens, le naturel des situations.
« Maintenant, que chacun pense à son propre homme monstre. », dit-il en direction des jeunes gens. Il sait qu'en chacune d'elles, en chacun d'eux, un monstre est éveillé. Nous sommes à l'école de l'hôpital.
L'ogre intérieur est ravageur. Il dit : je suis laide, je suis stupide. Il dit : je ne mangerai pas aujourd'hui, ni demain. Il dit : je veux mourir.
L'ogre ravage également Eduardo. Il dit : écris-moi une histoire où la violence n'est submergée que par le sang. Et Eduardo s'exécute. Il rougit l'écran de son ordinateur de meurtres et de perversité. Et lorsque le monstre est satisfait, il imprime sa douleur et la brûle.
Mais aujourd'hui les créatures obscures ont été chassées par l'envie d'être ensemble et de se découvrir. Au sixième étage du pavillon de pédiatrie, le monde est apaisé. Les stylos font naître des hommes presque comme les autres, qui s'accommodent de leur monstruosité.
L'écrivain écoute chaque court récit, l'accueille avec malice ou tendresse, l'apprivoise.
La femme sans genoux qui doit dormir debout et a cloué un oreiller sur le mur, l'homme trop vieux mais qui ne meurt pas, l'homme aux dix pieds qui ne sait pas sur lequel danser...
Derrière les vitres, un soleil radieux rit du dernier tour d'Eduardo. On découpe joyeusement les monstres en tranches, sous les grands coups de hachoir du S+7. Pas de morale, pas de conclusion. Du rose sur les joues.
AA La maîtresse du temps
BA La vie H24
CA Le cœur sur la main
DA Des doigts d’or
EA L’enfant qui avait trop de cœurs
FA La tête dans les nuages
GA Une femme hypnotique
HA Oneiroi
IA Le lundi au soleil, c’est une chose qu’on n’aura jamais
JA L’homme-dieu
KA La tartine beurrée
LA La femme expresse
MA Une fin, un début
NA Déphasages
OA L’homme requin
PA L’avenir de la médecine
QA L’homme critique
RA L’homme invisible
SA Se souvenir
TA Icares
UA Le joueur sénile
VA Double vue
WA Pixels de mémoire
XA Une femme divine
YA La femme océan
ZA La facétieuse
AE Le vieil homme
CE L’homme chat
DE La fautive
FE Un homme normal
GE La femme Desigual
HE Le dix lexique
IE Ceux qui n’ont pas les pieds sur terre
JE La vie de gros temps
KE Les dieux hommes
LE L’artiste d’éther
ME L’intello
NE Moi, encore et encore moi
OE L’indécis
PE Eve
QE L’homme numérique
RE Un cœur pour deux
SE L’écrivain
TE L’homme intriqué
Quelques parcours fléchés
 


La maîtresse du temps
 
Une femme toujours à l’heure. Elle n’a pourtant jamais porté de montre. Depuis toute petite, elle fait l’admiration de ses parents et la curiosité de ses amis. Maria peut vous dire l’heure qu’il est, à la seconde près. Il lui suffit pour cela de regarder le soleil.
À la seconde près ? Enfin... Presque !
En cas de brume d’altitude, prévoir une erreur de quelques secondes. Si les nuages n’offrent à la contemplation qu’un halo grisâtre indistinct, vous n’aurez l’heure qu’à cinq minutes près. Et passé le couchant, ça ne marche plus du tout.
Maria fait aussi boussole. Sa capacité horlogère n’en est en fait qu’un prolongement. Boussole précise à la seconde d’angle près, quels que soient le temps et l’heure.
D’après les médecins qui se sont penchés sur son cas, elle possède une sensibilité au champ magnétique terrestre. Des cristaux de magnétite sous les ongles, comme on en trouve sous le bec des oiseaux migrateurs.
À une seconde d’angle près ? Pas tout à fait !
Maria est sensible à tout champ magnétique, qu’il soit naturel ou artificiel. Ne pas lui demander le nord en intérieur ni à proximité de câbles électriques. Son imprécision est proportionnelle à l’intensité du champ généré.
Ces dernières années, coincée entre les ondes wifi des ordinateurs et les réseaux de téléphonie sans fil, sa capacité goniométrique a malheureusement beaucoup décliné.
Aussi pour demander l´heure à Maria vaut-il mieux aujourd’hui se trouver avec elle par une journée baignée de soleil en un lieu calme et reculé, seuls sur la berge d’un lac de montagne. Mais il se peut que la notion précise du temps vous échappe alors, d’autant que Maria est belle comme un cœur.
La vie H24
 
Deux hommes qui partageaient leur vie. Ça durait depuis presque six mois. Charles Drapier, traducteur de son état, ne vivait plus seul.
Ça avait débuté avec de la vaisselle sale laissée dans l'évier, une brosse à dents encore légèrement humide, une chemise repassée de la veille déjà froissée sur le valet et une myriade d'autres détails insignifiants accumulés chaque jour, chaque nuit.
Mais c’est le livre qui fournit la preuve irréfutable et fut le déclencheur de leur relation. Le travail en cours de Charles, la traduction vers l'espagnol du premier roman de Vernon Sullivan, à rendre urgemment chez l'éditeur. Alors qu'il n'avait progressé que de trois lignes de la complexe page cent trois en trois jours, il faillit un matin s'étouffer avec son café en découvrant sur le bureau dix feuillets supplémentaires, noircis de sa main durant la nuit.
Le copiste n'ajouta ce jour-là qu'un mot à son œuvre, à l'encre rouge : « Qui ? »
Nuit après nuit, les pages continuèrent à se remplir sans que le mystère ne puisse être résolu. Charles et « l’autre » entreprirent bientôt de dialoguer par la pointe de la plume.
Charles et celui qu'il nommait désormais Moi rendirent l'ouvrage à temps, non sans avoir auparavant pris le soin d'effacer toutes les notes qu'ils s'étaient laissées l'une à la suite de l'autre en apostille. Moi avait déposé sa photographie entre deux pages. Il était bel et bien Charles, lui aussi.
Les deux hommes partageaient le même corps, les mêmes centres d'intérêt et les mêmes aversions, goûtaient les mêmes plaisirs vert absinthe.
Dès que l'un trouvait le sommeil, l'autre s'éveillait et réciproquement.
L'un dans l'autre, avec un peu d'organisation, Charles considéraient désormais cette étrange introspection comme une chance inouïe. D'autant qu’ils travaillaient avec une célérité propre à enthousiasmer un éditeur… Et même plusieurs. L’argent affluait au rythme de leur renommée croissante. Charles fréquentèrent bientôt les salons à la mode autant que les soirées privées. Pour le Tout-Paris, l’ineffable Charles et Charles l’infatigable devinrent des célébrités.
La duplication du moi n'offrait finalement que des avantages, pensèrent longtemps Charles ; jusqu'à ce qu'ils rencontrent une délicieuse, sublime et malheureusement unique, femme.
Le cœur sur la main
 
Un élève comme les autres. J'étais assis au cinquième et dernier rang, côté mur, comme tous les jours. Rien de spécial. Sauf Mathilda, juste devant. J'aimais bien la façon qu'elle avait de se déboîter un bras quand je venais la titiller dans le haut du dos.
« Quelle est la particularité qui différencie l'humain des espèces animales ? questionna le professeur Lamarc au-dessus du brouhaha de la classe.
- L'intelligence !
Le petit binoclard du deuxième rang avait bondi de sa chaise.
Les cheveux ; l'ennui ; la guerre ; ta mère ; fous-moi la paix et t'as l'heure ? furent les autres réponses que l'expérience de l'enseignant lui permettait, oreilles écartées, de géolocaliser avec une précision de moins d'un mètre. Moins pertinentes ou seulement chuchotées, il choisit de les ignorer pour rebondir sur celle du petit chouchou, tout en lui demandant des yeux et d'un hochement de tête de se rassembler et se rasseoir calmement.
- Certes non, Gaillard. On connaît des grands singes à l'évidence plus malins que vous ! Percutant mais bien sûr rires et moqueries enflèrent immédiatement jusqu'au plafond pour retomber en pluie d'orage sur Chouchou qui se cacha le crâne entre les genoux pour ne plus rien entendre. Lamarc attendit quelques secondes, le temps d'élever la tête au-dessus de la mêlée. Il ne luttait pas contre les stéréotypes, il en jouait. D’expérience, il pouvait dire qu’il n’y avait pas d’autre façon de maintenir un

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