Ouvrir les yeux des vivants
113 pages
Français

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Description

Lyon. Camille n'a plus envie de vivre. Un pan tout entier de sa mémoire a été effacé et elle doit cohabiter avec un étrange fantôme qui lui ressemble. Un psychiatre aux méthodes peu conventionnelles la guide pour renouer avec son passé. Dans le même temps, de mystérieuses disparitions surviennent dans les transports en commun. Le capitaine de police Tony Hujarova est chargé d'enquêter et de retrouver un célèbre avocat lyonnais et une danseuse de Tango.


Quels fils invisibles unissent ces destins ?


Quels secrets abritent les entrailles de Lyon ?


Quel est ce mystérieux carnet hérité de la seconde guerre mondiale et ayant appartenu à un ancien dignitaire nazi que tant de monde convoite ?



Autrice de trois autres romans et lauréate de plusieurs concours, Céline Guarneri nous offre ici son nouveau thriller psychologique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 novembre 2021
Nombre de lectures 554
EAN13 9782491996888
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COLLECTION BLANCHE « LITTÉRATURE CONTEMPORAINE »
 
 
 
 
 
 
Crédits photographiques du portrait de Céline Guarneri : Heaven Line Photo couverture : Jason Caruso
Graphiste : Zadie Gaëdig
Composition du livre : Les éditions d’Avallon
 
Distribution livre broché & livre numérique : SODIS & Immatériel
 
ISBN livre broché : 9782491996871
ISBN livre numérique : 9782491996888
 
1 re édition
 
Dépôt légal : décembre 2021
 
Éditeur : Les éditions d’Avallon
342 rue du boulidou
34980 Saint-Clément-de-Rivière
 
Impression : BoD, Norderstedt, Allemagne
 
© 2021 Les éditions d’Avallon
 
OUVRIR LES YEUX DES VIVANTS
 
Céline Guarneri
 
 
 
 
 
 
 
Ouvrir les yeux des vivants
 
 
R O M A N
 
 
 
 
 
 
De la même autrice
 
 
Furtiva Lagrima , éditions La Trace, 2020
Comme un goût de tango sous les talons , éditions Baudelaire, 2012
 
 
 
 
 
 
Mon cœur tout entier était devenu une milonga . Il ruisselait de la sueur de toutes les milongas de la Terre. Les abrazos du monde entier enveloppaient mon ventricule droit et toutes les tandas résonnaient à l’unisson dans chacun des battements de mon cœur.
Et pourtant, je ne savais même pas ce qu’était une milonga , une tanda ou un abrazo . Mon cœur, ce cœur tout neuf à la mémoire qui ne m’appartenait pas, lui, le savait. Je n’oublierai jamais la première fois que je le vis. Il avait un de ces regards qui ne s’excuse jamais d’avoir gagné, d’avoir perdu, d’être parti, d’être resté. Un de ces regards qui, d’un battement de cils, vous remercie de ne pas avoir attendu d’excuses. Il n’avait jamais attendu d’excuses pour tout ce que la vie lui avait dérobé. Le cœur que je portais, lui, en avait trop attendu.
Je regarde le soir tomber sur les arbres de la Friesenstrasse dans le quartier de Kreuzberg . J’ai vingt-deux ans, des envies plein les poches et une promesse qui n’est pas la mienne. Une promesse grâce à laquelle j’allais enfin comprendre le sens de ces mots de Jean Cocteau : « On ferme les yeux des morts avec douceur ; c’est aussi avec douceur qu’il faut ouvrir les yeux des vivants. »
 
 
 
 
 
 
Chapitre 1
 
 
« Dieu sait que nous n’avons jamais à rougir de nos larmes, car elles sont comme une pluie sur la poussière aveuglante de la terre qui recouvre nos cœurs endurcis. »
 
CHARLES DICKENS
 
 
Camille entend la porte s’ouvrir à l’autre bout du couloir. Elle n’aperçoit qu’une silhouette passer devant le vitrage opaque. Combien de salles d’attente identiques à celle-ci a-t-elle visitées depuis des mois ? Trop. Quelques mois plus tôt, elle avait vu une vidéo de cette artiste serbe, Marina Abramović, immobile face à des visiteurs venant s’asseoir en face d’elle dans une salle du MoMA. Cette femme était restée assise sept cents heures dans le musée sans échanger aucune parole, sans manger, sans boire, sans se rendre aux toilettes. Camille se sent exactement comme elle, à une différence près, une différence capitale, personne ne vient s’asseoir en face d’elle et plus personne ne la regarde. En approfondissant ses recherches, elle avait appris qu’un plasticien chinois, Tehching Hsieh, avait passé un an dans une cage en bois. Même si elle ne sort presque plus de chez elle, elle est encore loin des performances serbes et chinoises.
Depuis des mois, le monde et son cortège d’évènements ne lui sont plus jetés en pleine face, mais en plein ventre. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Plus rien n’a de filtre. Camille a très souvent des attaques de panique. Elles peuvent être déclenchées par un cri dans la rue, par une nouvelle bouleversante ou par la moindre perturbation de son quotidien si bien réglé. La balance penche toujours du côté de la perte de contrôle. Elle est incapable de gérer l’imprévu, l’inattendu. En dépit des tentatives répétées de nombreux soignants, de thérapeutes de tout acabit, elle n’a aucun souvenir précis de ce qui a anéanti la jeune femme dynamique et pleine d’humour qu’elle était autrefois. Elle se souvient que son grand-père citait souvent Cocteau : « On ferme les yeux des morts avec douceur. C’est aussi avec douceur qu’il faut ouvrir les yeux des vivants ». Le problème, c’est qu’elle n’est plus qu’un ectoplasme, un ersatz d’être vivant et la douceur semble bel et bien avoir été bannie de sa vie. Elle se lève et se rapproche de l’unique photographie en noir et blanc accrochée au mur de la salle d’attente. Elle représente un couple de danseurs de tango. La femme a la beauté de ces actrices italiennes des années soixante.
Le docteur Caligari la surprend en pleine contemplation. Camille scrute le psychiatre à la recherche de traits qui auraient pu rappeler ceux du danseur de la photographie. L’homme qui lui fait face a l’air plus grand. La quarantaine bien passée, les yeux noisette en amande, les cheveux poivre et sel, un nez aquilin, les sourcils arqués et légèrement broussailleux qui se rejoignent presque au niveau du troisième œil. Un hommage certainement à Frida Khalo et un soutien affiché aux combats féministes. Sa fossette au menton, ce doigt de l’ange appuyé trop longtemps pour empêcher le nouveau-né de confier ce qu’il sait du paradis, lui donne un air d’acteur de l’âge d’or hollywoodien. Il est vêtu comme un dandy et n’a pas du tout le regard ténébreux. Le petit foulard noué autour de son cou et le bracelet en perles Œil de tigre accroché à son poignet atténuent toutefois considérablement la virilité de sa fossette. Même avec les cheveux gominés, il n’existe aucune filiation possible avec le bellâtre qui fait voler les jambes de sa partenaire sur la photographie.
— Bonjour, Mademoiselle Sokoloff, je suis le Docteur Caligari. Suivez-moi, c’est par ici. Voilà, je vous en prie, entrez et asseyez-vous où vous voulez.
Camille regarde le canapé, le fauteuil et les chaises qui font face au bureau du psychiatre. Elle hésite un moment puis choisit de s’asseoir à une extrémité du canapé. Le psychiatre déplace légèrement le fauteuil de façon à se retrouver face à la jeune femme. Un sourire goguenard au coin des lèvres en guise de prologue, Camille décide de défier le docteur Caligari. Elle pense que son arrogance donnera envie au thérapeute d’écourter la séance. Elle se trompe. Elle a devant elle une espèce rare d’adepte de la maïeutique d’une patience infinie.
— Écoutez, docteur, je n’ai rien contre vous, vous n’êtes pas le premier psy que je vois. Je suis là pour faire plaisir à mes parents. Tout le monde voit un psy. Comme ça, je me fonds dans la masse. Personnellement, je ne crois pas à ces conneries « je parle donc je guéris ».
— Vous pensez avoir besoin de guérir ?
— Je connais toutes vos techniques. Vous allez chercher à me blesser, à me pousser dans mes retranchements pour réveiller mon instinct de survie. Je suis passée depuis longtemps de la survie au survol. Parler ajoute de l’horreur à l’horreur. Vous avez déjà vu refleurir un fruit pourri ?
— Vous vous comparez à un fruit pourri ?
— Vous connaissez Mauro Fabi, docteur ?
— Non. Vous avez envie de m’en parler ?
— C’est un poète italien, il a écrit un recueil de textes intitulé « Le domaine des morts ». Il y a un poème qui me parle. « Rester assis dans le noir en essayant de ne pas se souvenir/rester immobile comme une chose à peine effleurée par le doute de sa propre présence/écouter, au-delà des carreaux, le bruit de la pluie/être bercés éprouver le même désir de tomber légèrement/frôler en pensée la chute l’inévitable/vulnérabilité de l’impact/frapper des mains sur ses jambes soudain/se lever étrangement excités, rester encore quelques instants à fixer la fausse obscurité/(dans chaque obscurité une lumière luit)/se sentir si proches de la compréhension/de tout/si inutilement proches. »
Camille ferme les yeux. Léopold Caligari décroise les mains et les jambes et se penche légèrement en avant, paumes posées sur les cuisses. Depuis le temps qu’il exerce cette profession, il a eu tout le loisir de cerner les contours d’un cerveau et d’un cœur, mais il ne parvient toujours pas à faire le moindre croquis des souffrances qu’ils renferment. Son irritation face à cet impossible déchiffrement est une des rares choses qui fait encore sourire son ex-femme. Intérieurement, bien sûr. Elle ne laisse plus la moindre expression spontanée dépasser la commissure de ses lèvres en sa présence. Camille rouvre les yeux, redresse la tête et lit une phrase encadrée et accrochée sur l’un des murs du bureau. C’est une phrase de Shakespeare extraite de Macbeth  : « il n’est si longue nuit qui n’atteigne l’aurore ». Une sorte de méthode Coué destinée à convaincre les patients que « demain est un autre jour », sans doute. Au bout de combien de séances se rappelle-t-on que l’aurore existe ?
Camille est soudain happée par des souvenirs de lever de soleil à la montagne. Elle doit avoir dix ans. Elle se faufile sur la terrasse du chalet, pieds nus, et voit le monde recommencer à naître. Ces images d’un bonheur révolu sont aussitôt dissoutes en écume de tristesse. Rien ne reste très longtemps à l’état solide en elle, que ce soit dans son estomac ou dans sa tête. Elle s’appuie contre le dossier du canapé et attend que la voix du Docteur Caligari harponne ses envies de fuite.
— C’est ce que vous ressentez ?
— Quand tout le monde vous ment, vous vous sentez forcément inutile, non ?
— Parfois les mensonges ne sont pas des mensonges, Mademoiselle Sokoloff.
— Je souffre d’une amnésie, pas d’un manque de proverbes à la con. Je fais des cauchemars et je ne sais pas pourquoi. J’ai fait une TS il y a trois mois, mais mes parents n’ont même pas assez de pilules pour endormir une fourmi. J’ai fait de grandes études et vous savez ce que j’ai appris ? Savoir des choses, ça ne nous sert strictement à rien pour être heureux. Il y a des vies qui ont un point final avant la fin de l’histoire, c’est tout.
Léopold se met à contempler la jeune femme de vingt-cinq ans comm

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