La lecture à portée de main
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Je m'inscrisDécouvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Je m'inscrisVous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Description
« Quand je sortirai, tu seras la première prévenue... Je saurai te retrouver. »
Depuis qu'Éloane Frezet, la tueuse en série la plus abjecte de ces dernières années, a prononcé ces mots, Alix Flament vit dans l'angoisse que la criminelle sanguinaire s'évade de prison...
Alors, quand la journaliste reçoit un coup de téléphone d'Éloane en pleine nuit, elle comprend que la meurtrière va honorer sa promesse...
Une promesse de sang...
Sujets
Informations
Publié par | Taurnada Éditions |
Date de parution | 14 mars 2019 |
Nombre de lectures | 5 |
EAN13 | 9782372580533 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Gaëlle Perrin-Guillet
Extrait de
Haut le chœur
Ce roman est paru pour la première fois en 2013 aux éditions Rouge Sang. La présente édition a été entièrement revue et corrigée.
© Taurnada Éditions, 2019 pour la présente édition – Tous droits réservés
1
La pendule indiquait 1 heure du matin. La fatigue commençait à se faire sentir, mais Alix Flament savait qu’elle en avait encore pour un bon moment. Cet article sur lequel elle planchait depuis plusieurs heures ne voulait pas s’écrire comme elle le souhaitait et, pourtant, il devait absolument paraître dans l’édition du lendemain.
C’est pendant ces heures sombres, au cœur de la nuit, quand les mots s’obstinaient à la fuir, que son ancienne vocation lui manquait cruellement. Durant dix années, la journaliste avait écumé la ville de Chambéry et enquêté sur des crimes sordides aux côtés des forces de police, parfois seule, à la recherche d’un coupable, d’un mobile et surtout, d’un billet défrayant la chronique.
Elle avait arpenté Chambéry et sa place des « Quatre sans cul », son Carré Curial et son château des Ducs de Savoie, lieux pittoresques et emblématiques qui, à l’image du trompe-l’œil célèbre, n’étaient pas forcément aussi enchanteurs que le laissaient croire les guides touristiques : bandes écumant le bitume la nuit tombée, scènes de ménage derrière les portes closes, meurtres au fond d’une ruelle de la vieille ville. La vie agitée d’une foule radieuse le jour, le noir funeste des crimes la nuit.
Mais son heure de gloire était arrivée, dépassant de loin tous ses espoirs. Sa carrière s’était envolée. Sa vie avec. Elle avait plongé dans la noirceur de l’âme humaine au gré des lignes écrites durant deux ans à la faveur de la nuit.
Deux années à interviewer le mal, le disséquer, l’étudier et essayer de le comprendre.
La jeune femme s’était crue immunisée face à la violence et le sang, simple oreille attentive aux mots qu’on lui dictait avec détachement. Mais le sujet de ces entretiens, mélange de perversité et d’humanité, intimement mêlées l’une à l’autre, l’avait plongée dans un abîme sombre où ses propres repères s’étaient délités progressivement.
Le mal s’était insinué, chaque jour un peu plus, glissant sur sa peau pour mieux pénétrer chaque pore et l’envahir peu à peu.
Coucher sur papier l’horreur qui la submergeait chaque jour davantage, démystifier l’acte et le transformer en mots bruts, auraient dû suffire à la protéger, à la maintenir dans un rôle de témoin silencieux de faits sanglants.
Jusqu’au jour où Alix Flament avait troqué sa place d’observatrice pour intégrer à part entière le jeu macabre dans lequel elle baignait depuis de longs mois.
De simple témoin, la journaliste avait endossé l’habit de victime à son tour.
La menace l’avait atteinte de plein fouet alors qu’elle se trouvait dans une salle froide, assise à côté de la fenêtre. La phrase qui allait faire basculer sa vie résonnait encore distinctement dans sa tête :
« Quand je sortirai, tu seras la première prévenue… Je saurai te retrouver. »
Depuis, chaque jour qui se levait était porteur d’une promesse mortelle.
« Je te retrouverai… »
À sa sortie du tribunal, en cette journée glacée de décembre, ce fut plus qu’elle ne put en supporter.
Elle plaqua tout du jour au lendemain et changea littéralement de sujet pour se consacrer au journalisme politique. Un grand écart nécessaire pour la paix de son âme.
C’était il y a six ans.
Six longues années et pas un jour sans y penser.
Pas une nuit sans revivre le cauchemar. Et comme à chaque fois qu’elle était seule dans les locaux du journal, ces instants sombres et magiques à la fois lui revenaient, sans que la jeune femme comprenne comment tout cela avait pu arriver.
Ce soir, dans le silence de son bureau, à peine troublé par le cliquètement des presses dans la pièce voisine, ses pensées ne dérogèrent pas à la règle. Elle tenta d’empêcher les mauvais souvenirs d’affluer, mais ils refusèrent de se tenir à distance.
Peut-être qu’un jour la page se tournerait d’elle-même et que sa vie reprendrait un cours normal, ponctuée de nuits sans cauchemar et, surtout, avec cette confiance retrouvée en l’être humain, confiance qu’elle avait perdue depuis.
Un jour lointain.
Elle essaya de se concentrer sur son article, affûta ses mots, posa des phrases cinglantes, tout en cherchant une neutralité impérative dans son travail. La une du lendemain offrirait en pâture un homme politique accusé de viol aux États-Unis, pays des plus puritains et sévères dans ce domaine. Une bombe qui devrait éclater à la vue de ses lecteurs et surpasser tout ce qui se disait déjà sur le Net pendant qu’elle cherchait ses mots.
Elle relut ses dernières lignes et se demanda si un complot n’était pas derrière tout ça : cet homme, frayant dans les hautes sphères politiques, donné comme grand gagnant des prochaines élections présidentielles, pris la main dans la culotte d’une femme de chambre. Tout ça sentait bien mauvais, mais c’était quand même du pain bénit pour les journalistes.
Et pourtant, les mots la fuyaient, le curseur clignotant sur son écran la narguait.
La jeune femme se massa la nuque et retira ses lunettes qu’elle posa sur le dossier qui lui faisait face. Une vague de lassitude la submergea. Pendant une minute, elle hésita à refermer la masse de papier dans sa pochette, l’enfermer à double tour dans son tiroir, claquer l’écran de son ordinateur portable pour rentrer rapidement retrouver son mari qui devait l’attendre au chaud sous la couette. À moins qu’il n’ait été appelé lui aussi pour une urgence.
Quelle drôle de vie nous menons ! pensa-t-elle.
Toujours sur le qui-vive, parfois même en décalé. Mais depuis toutes ces années ensemble, les heures passées loin l’un de l’autre leur pesaient toujours autant. Deux amants qui avaient affronté la tourmente sans jamais se lâcher la main.
Elle hésitait encore à envoyer son texte tel quel et à partir, quand la sonnerie du téléphone retentit dans la pièce, la faisant sursauter sur son fauteuil.
La journaliste regarda le combiné comme s’il s’agissait d’une bête féroce à la présence totalement incongrue dans ces murs.
Qui pouvait bien l’appeler à une heure pareille sur le fixe du bureau ?
Machinalement, elle attrapa son Smartphone et vérifia la batterie. Pleine. Il ne s’agissait donc pas de son époux qui n’aurait pas pu la joindre sur le portable. Elle laissa sonner encore un moment, dans l’espoir que cela s’arrête, mais la sonnerie continua à hurler dans le silence de la pièce, le plateau du bureau vibrant en rythme. En cliquant sur le bouton d’envoi de sa messagerie, elle se maudit de ne pas avoir enclenché le répondeur au départ de la secrétaire et décrocha vivement.
« Allô ? »
À l’autre bout du fil, un silence pesant. Tout juste un grésillement.
Puis enfin une respiration. Douce, régulière comme un métronome. Elle s’apprêtait à raccrocher, mal à l’aise, quand une voix résonna dans le combiné.
« Bonsoir, très chère. J’espère que je ne vous dérange pas. »
C’était un timbre suave, délicat, qu’elle ne connaissait que trop bien. Cela faisait pourtant longtemps qu’elle ne l’avait entendu. Cette même voix qui était à l’origine de son changement de vie, celle par qui le mal était entré dans sa vie sans crier gare et qui résonnait encore au plus profond de ses entrailles au beau milieu de ses insomnies.
Une voix qui n’aurait jamais dû se faire entendre ce soir.
« Vous ne dites rien ? Je vous ai fait peur ? »
Elle inspira fortement avant de lui répondre :
« Disons que je suis surprise, Éloane. »
Le rire de son interlocutrice retentit dans le combiné, clair et joyeux, tellement aux antipodes de sa personnalité qu’elle en eut la chair de poule.
« J’y comptais bien. Vous devez vous demander comment il est possible que je puisse vous appeler à cette heure-ci depuis ma prison.
– J’avoue que la question vient de m’effleurer l’esprit, oui.
– À votre avis ? Faites preuve d’intelligence, pour une fois. Épatez-moi », susurra-t-elle.
La journaliste ne répondit pas tout de suite, imprégnée malgré elle de la respiration filtrée par les ondes. Les souvenirs de leurs discussions passées affluaient soudainement. Un retour en arrière douloureux. Toujours la même chose : des questions de sa part, des réponses de la sienne. Une communication particulière pour une relation tout aussi singulière. Elle avait mis trop d’elle dans leurs échanges et la note était, encore aujourd’hui, salée.
« Vous avez payé un maton, juste pour m’impressionner, Éloane, finit-elle par répondre.
– Vous me décevez sincèrement, souffla la voix en retour. Vraiment, je pensais que vous comprendriez tout de suite. Rappelez-vous, Alix. Je tiens toujours mes promesses… »
Interloquée, le sens de sa réponse lui échappa sur l’instant. Quand l’évidence s’imposa, avec toute l’horreur que cela impliquait, son interlocutrice ne lui laissa pas le temps de se reprendre.
« Ne vous inquiétez pas, je ne viendrai pas vous voir dans l’immédiat. Je tenais juste à vous dire une dernière chose : vous allez craindre ma colère. Tout ce qui arrivera, à partir de maintenant, sera entièrement de votre faute… Vous allez devoir assumer chaque minute qui va s’écouler dès l’instant où je vais raccrocher. Le compte à rebours commence, Alix… Trois… Deux… »
La tonalité retentit froidement.
La journaliste garda le combiné encore quelques secondes à l’oreille, incapable de bouger, écoutant le bip incessant résonner comme un battement de cœur. Quand enfin elle eut la force de le reposer, la certitude que les prochaines heures allaient être terribles émergea douloureusement.
La tueuse en série la plus abjecte de ces dernières années venait de s’échapper de prison. Et elle avait soif de vengeance.
2
« Elle a simulé un malaise vers 21 heures. Quand la gardienne est arrivée, Frezet baignait dans son sang. On l’a emmenée directement à l’infirmerie et le doc a préféré la transférer à l’hôpital, par mesure de précaution. Ils n’y sont jamais arrivés. On