Goliat
129 pages
Français

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Description

La mer de Barents, au large des côtes norvégiennes : Goliat, une plateforme pétrolière en proie aux éléments déchaînés, est le sinistre théâtre d'une série de meurtres odieux.
David Corvin, ex-agent du FBI, va devoir utiliser toutes ses compétences pour stopper l'hécatombe.
Mais au bout du chemin, il risque de perdre son âme...
Et bien plus encore...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 septembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782372580755
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mehdy Brunet
Extrait de
G
o
lia
t
e e Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2 et 3 a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
© 2020, Taurnada Éditions
Prologue
Aujourd’hui, 2019, David Corvin et sa gueule de bois.
Le soleil a pris possession de l’immensité bleue qui s’offre à lui. Et la chaleur qu’il diffuse, malgré l’heure matinale, est déjà suffocante. Le simple rideau tiré en travers de la fenêtre ne suffit pas à piéger tous les rais de lumière qui se jettent à l’assaut de la pénombre. L’un d’eux, après avoir franchi cette unique barrière, traverse la pièce et s’abat sur mes paupières. Malgré l’agression de ce halo sur mes rétines, j’ai du mal à émerger du brouillard de l’inconscience, mais à mesure que le voile se lève une migraine atroce me terrasse. Espérant calmer la douleur, je m’assois péniblement au bord du lit tout en appliquant la paume de mes mains de chaque côté de mon crâne. Mon pied heurte un objet qui se met à rouler sur la moquette : une bouteille de bourbon, vide. Lentement, les dernières images de la veille me reviennent en mémoire, par flashs, de simples bribes qui me permettent de remonter le temps chronologi-quement. Je me revois alors titubant et luttant contre les effets de l’alcool pour monter les escaliers qui mènent à cette piteuse chambre d’hôtel, et encore avant cela, déambuler dans les rues sous le regard accusateur des passants outrés par mon ivresse. En remontant plus loin encore, je me rappelle m’être accolé au zinc d’un bar de San Francisco et, en même temps que les verres se succédaient, une colère grondait. Froide, sourde. Elle s’est répandue en moi comme un
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cancer jusqu’à ce qu’on ne fasse plus qu’une seule et même entité. Maintenant ce sont les raisons de cette colère qui me reviennent à l’esprit. Je repense à l’homme qui m’a tout pris, mais aussi à ce moment où je n’ai pas pu empêcher que la vie finisse en cauchemar. Un haut-le-cœur me ramène à la réalité, je me préci-pite alors dans la salle d’eau et me penche sur la cuvette pour vomir. Planté au-dessus du résultat de ma gueule de bois, j’affronte le mélange des effluves émanant de mon estomac, ce qui fait ressurgir d’autres souvenirs plus lointains encore.
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26 septembre 2016.
Appuyé contre la rambarde du Yara Birkeland, je dégueule tripes et boyaux au rythme des assauts de la mer contre la coque du navire. D’après le comman-dant, nous devrions apercevoir notre destination sur l’horizon d’ici deux heures. « T’en fais pas, le citadin », ricanait-il dans un anglais dont l’accent norvégien le rendait difficilement compréhensible, « la mer est calme aujourd’hui, ça va passer. Et serre les dents, sinon ce sont les mouettes qui vont se régaler. » Il a ponctué sa phrase par un rire grossier tout en s’éloignant. Encore deux heures à tenir sur ce putain de tapis bleu instable et à sentir mon estomac se tordre dans tous les sens. Sans compter qu’il faut aussi sup -porter les sarcasmes de cet abruti avec sa tronche d’Haddock des mauvais jours. Bon sang, mais qu’est-ce que je fous là !?
Tout a commencé lorsque Abigaël, ma femme, était rentrée un soir à la maison en m’annonçant qu’elle venait d’être affectée à une mission au large des côtes norvégiennes, sur les eaux de la mer de Barents, qui l’éloignerait de moi pendant une longue période. C’était un vendredi soir, elle venait de passer une semaine harassante à se démener pour prouver à son employeur et à ses collègues que l’absence d’appen-dice entre les jambes n’est pas forcément un signe de faiblesse. Et à ce jeu-là, elle est imbattable. Elle venait donc de leur démontrer que, n’en déplaise à leur ego
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de mâle, c’était elle la plus qualifiée pour ce poste et qu’il ferait une grossière erreur en ne la désignant pas. À la maison, l’ambiance était loin d’être au beau fixe et ça depuis plusieurs mois déjà, alors autant dire qu’elle était en forme et résolument prête, sinon impa-tiente, à affronter mes propres frasques de misogyne. Nos disputes étaient de plus en plus fréquentes et ce soir-là je venais de la pousser dans les cordes. Elle était furieuse et hurlait en effectuant des allers et retours devant le plan de travail habillant le centre de notre cuisine : « Tu n’es qu’un sale con, David ! – Je suis peut-être un sale con, mais moi j’ai la décence de ne pas te prévenir au dernier moment lorsque je dois m’absenter pour de si longues périodes. – Mais ça fait des mois que je t’en parle de ce pro-jet ! Si tu ne te focalisais pas sur ton nombril, tu ne tomberais pas des nues aujourd’hui. – Lorsque tu m’en as parlé, il n’était pas question que tu partes aussi longtemps au milieu de nulle part, et ça sans même savoir quand tu allais revenir. Putain, mais c’est quoi ton problème avec moi ?! – Quoi, tu te fous de moi ? C’est toi qui oses deman-der ça ? Depuis que tu as été foutu à la porte du FBI, on ne peut rien te dire, tu remets tout en question, sans arrêt, rien ne te convient jamais. Tu agis avec moi comme si j’étais responsable de ce qui t’est arrivé. – Mais oui, c’est évident, c’est encore moi qui déconne et qui… – Ça suffit, David, maintenant tu me saoules ! » Elle est partie en claquant la porte, sans se retourner. Ce n’est qu’après avoir passé quelques jours chez sa mère qu’elle s’est décidée à rentrer. Mais quelque chose en elle avait changé : nos conversations se limi-taient au strict nécessaire et on était à trois mois de son départ. Rien n’avait l’air de vouloir s’arranger.
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À trop me subir, elle avait fini par se détourner dou-cement de moi. Et puis, un soir où son travail avait nécessité qu’elle fasse quelques heures de plus, un de ses collègues, qui avait des vues sur elle et qui avait parfaitement com-pris la situation, en a profité pour l’inviter à dîner. Il avait tenté sa chance et Abigaël, totalement débousso-lée, avait accepté sans penser à mal. Elle l’avait donc suivi dans un petit restaurant italien situé sur Colum-bus avenue, au nord-est de San Francisco, qui possède une vue superbe sur la baie. Elle s’était beaucoup confiée durant ce repas et lui avait su l’écouter, sans porter de jugement ni faire de reproches sur sa vie. L’espace d’un instant, elle s’était sentie bien. Lorsqu’elle est rentrée ce soir-là, quelque chose en elle avait changé. Et sur le moment je n’ai pas été foutu de m’en apercevoir. Embourbé dans un senti-ment mélangeant colère et impression d’injustice, je ne me rendais pas compte que j’étais en train de la perdre. Elle ne se concentrait plus que sur son travail, effec-tuant de plus en plus d’heures le soir. Alors, bien sûr, son collègue, nourrissant l’espoir que les choses n’en resteraient pas là, multipliait les petites attentions à son égard. De mon côté, je me suis mis à travailler pour une boîte spécialisée dans la sécurité. Je sais bien que, sor-tant du FBI, j’aurais pu me chercher un travail avec un petit plan de carrière ou même un poste de flic plan-qué à la campagne, mais après avoir passé deux mois à me lamenter sur mon sort, je me suis décidé à prendre le premier job qui s’est présenté. Et je n’avais franchement pas envie de réfléchir à mon avenir pro-fessionnel. Je m’étais fait lourder du bureau pour avoir mis mon poing dans la gueule de mon supérieur. Cela ne faisait
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qu’un an et demi que ce petit con était sorti du moule de Quantico et il prenait un malin plaisir à démonter tout le boulot que mon équipe et moi avions abattu en arpentant le terrain pendant plusieurs années. Un soir, pour je ne sais même plus quelle raison, il s’est arrêté devant le bureau de mon équipier et lui a dit qu’il « veillerait à relever le niveau du service ». Alors je me suis approché de lui et je lui ai ouvert l’arcade d’un direct du gauche. Après être passé en conseil de discipline immédiat, on m’a sommé de ramasser mes affaires. Cet épisode passé, j’ai végété jusqu’au jour où j’ai dégoté cette place. Je me retrouve désormais à veiller sur des person-nages publics comme sur des hangars désaffectés ou même à faire des rondes sur des sites dits sensibles, et par les temps qui courent nous avons de quoi faire. Bien évidemment, tout ceci implique que je m’absente régulièrement et parfois pendant plusieurs jours. Un de ces soirs où j’étais justement en déplacement, son collègue l’avait de nouveau invitée à sortir et elle avait accepté de le suivre pour boire un verre avec lui. Elle avait trouvé une oreille attentive aux explications sur l’avancée de ses travaux pour sa mission à venir, elle avait ri, elle avait pleuré. Puis elle lui avait offert ce trésor qui, jusqu’ici, m’était exclusivement accordé. Rongée par un sentiment de culpabilité, elle avait passé sa journée du lendemain à l’éviter autant que possible, mais le jour d’après il s’était tout de même arrangé pour réussir à être seul avec elle. Se sentant respon-sable du malaise qu’elle éprouvait, il s’est confondu en excuses et a cherché à la rassurer sur ses intentions. Il lui a expliqué que ce qu’il éprouvait pour elle était bien plus fort qu’une simple attirance physique. Elle s’est alors blottie dans ses bras. Quatre jours après cela, je rentrais et elle m’atten-dait, dans le noir, assise sur le canapé du salon. Après
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avoir allumé, j’ai tout de suite vu à son regard, dont le maquillage s’étalait sur le haut de sa joue, que quelque chose de grave s’était produit. Le nuage gris d’une cigarette coincée entre ses doigts montait devant elle. Cela faisait dix ans qu’elle avait arrêté de fumer. « Je t’ai trompé, David », avait-elle dit sur un ton monocorde. La phrase m’a explosé au visage, créant en moi une onde semblable à celle ressentie lors d’une décharge électrique. Je venais de tomber dans un précipice sans fond me condamnant à subir les supplices de démons sortant de l’enfer. Des démons que j’avais moi-même créés. Elle m’a alors tout raconté. Hébété, impuissant, misé-rable, je n’osais pas la regarder, mais je pouvais deviner, à sa voix chevrotante, les larmes dévaler ses joues. Puis sans dire un mot, je me suis retourné et je suis sorti. Le temps venait de s’arrêter pour moi. Je me suis alors mis à errer dans les rues de San José sans me soucier de savoir ni où j’étais ni où j’allais, rôdant sous l’œil des palmiers et des devantures des maisons colorées entourant notre quartier. Les mots tournaient dans ma tête, sans relâche, sans pitié, me grignotant de l’intérieur. Je ne suis pas rentré cette nuit-là, et la suivante non plus. J’ai fini par monter dans ma voiture et je me suis dirigé vers le Golden Gate où nous avions l’habitude d’aller observer le soleil se coucher lorsque nous nous sommes rencontrés, c’était… notre jardin secret, l’en-droit où nous nous confiions l’un à l’autre sans rete-nue. J’ai passé des heures, là-bas, à observer le bloc rocheux d’Alcatraz, conscient que je devenais prison-nier de mon désespoir, incapable de lui échapper. Le soir du troisième jour, le sentiment de colère qui m’avait envahi était devenu trop fort : je ressentais une indicible rage, envers elle, envers LUI. Je m’étais
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alors précipité chez ce fumier avec la ferme intention de lui exploser la gueule. Il avait à peine ouvert la porte que je me suis rué à l’intérieur en lui balançant un direct qui l’a envoyé aussi sec au tapis, puis je me suis penché pour l’attra-per par le col et le cogner à nouveau. Il a placé ses bras en croix devant son visage, espérant ainsi faire barrage à mes assauts. Je me suis alors arrêté et je l’ai observé. Il était terrorisé. L’homme qui se trouvait devant moi ne méritait pas ce déchaînement de vio-lence, il n’était responsable de rien. Il n’avait fait que croiser une femme sublime et avait su lui donner ce dont elle avait besoin. Et il ne devait pas être si mau -vais que ça puisqu’elle s’était abandonnée à lui. Non, le seul responsable, c’était moi. Alors je me suis de nouveau enfui et j’ai foncé, au volant de mon pick-up, sur la célèbre route qui longe la côte californienne depuis le nord de Santa Maria jusqu’à San Francisco, la Cabrillo Highway. Coincé entre des flancs de montagnes et le Pacifique j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, passant des jours puis des semaines à fréquenter les troquets des bleds pau-més que l’on peut trouver sur le bord de cette route. Des jours et des semaines à me maudire. C’est en observant un couple de sexagénaires qui partageait amoureusement un petit noir dans un de ces bars que j’ai fini par me réveiller, par émerger de mon malheur. J’ai compris, en observant leur complicité, que c’était ce que je voulais avec Abigaël et que ce n’était pas en geignant et en m’apitoyant sur mon sort que je pourrais vivre ça.
« Mais alors, qu’est-ce que tu fous sur ce bateau ? » me direz-vous. Eh bien je vais vous l’expliquer :
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Je suis donc rentré chez moi, pied au plancher, avec la ferme intention de lui demander pardon pour les mois qui venaient de s’écouler. Surprise de revoir ma silhouette dans l’embrasure de la porte d’entrée, je ne lui ai alors pas laissé le temps de réagir et elle a dû m’écouter lui avouer tout ce que j’éprouvais pour elle et combien je souhaitais plus que tout que nous repar-tions à zéro. Lorsque j’ai eu terminé le plaidoyer de mon amour, elle s’est effondrée à genoux. Plantée au milieu de notre salon, elle se fondait en excuses à son tour. Elle ne cessait de répéter qu’elle était désolée et qu’elle regrettait. Je me suis alors jeté sur elle pour l’enlacer aussi fort que je le pouvais. Ce moment a résonné en nous comme celui de notre renaissance, celui d’un amour retrouvé, celui d’un amour nouveau et indes-tructible. Les jours qui ont suivi, nous les avons passés main dans la main, nous promenant entre les stands d’une fête foraine ou déambulant dans les allées d’un petit marché en nous chamaillant comme des adolescents ; quant à nos nuits elles étaient tour à tour intenses, douces, sauvages et parfois le mélange fulgurant des trois combinaisons. Il n’était plus question que nous nous quittions. Puis un soir où nous nous étions concocté un repas en tête à tête, elle m’a dit qu’elle souhaitait informer son patron de sa volonté de renoncer à sa mission, celle qui avait allumé la mèche que nous avions étirée l’un et l’autre entre nous. Je lui ai aussitôt interdit de faire ça, elle avait passé trop de temps à préparer ce fameux projet pour que je la laisse tout abandonner maintenant alors même que celui-ci allait enfin se concrétiser. Non, cela allait se faire, et j’allais l’ac -compagner.
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