Fichus métamorphes , livre ebook
195
pages
Français
Ebooks
2024
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2024
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Publié par
Date de parution
26 janvier 2024
EAN13
9782385750336
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
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Date de parution
26 janvier 2024
EAN13
9782385750336
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
À toutes les mamans du monde.
Prologue
L a douleur m’enveloppe. Lancinante. Je perçois du tissu sur moi, une douce brise, les frissons sur ma peau. J’ouvre un œil. La luminosité est tamisée et je me risque à m’éveiller complètement. Je me trouve dans une pièce blanche, avec une fenêtre. Un écran noir me fait face et tout un tas d’appareils dont j’ignore l’usage. J’entends un bip persistant puis des cris.
Des cris énervants. Qui, sans que je sache pourquoi, me serrent la poitrine.
Je me tourne légèrement. Un bébé bouge dans un berceau en plastique transparent, recouvert d’une couverture blanche, un bonnet sur sa tête. Il agite ses petits poings tout en hurlant. Il en devient rouge. Mon ventre se tord.
Qu’est-ce qu’il fait là ? Pourquoi hurle-t-il ? Pourquoi personne ne vient l’aider ?
La porte de ma chambre s’ouvre alors. Une femme rousse en tunique blanche entre. Elle accourt vers le nourrisson pour le prendre dans ses bras, le berce en chantonnant puis pivote vers moi, la surprise imprimée sur son visage.
— Vous êtes réveillée ?
Je n’ai pas le temps d’acquiescer qu’elle se précipite dehors pour hurler qu’elle a besoin d’un médecin. Puis elle revient, pose l’enfant dans son couffin et me sourit.
— Nous n’espérions plus votre retour parmi nous, cela fait une semaine que vous êtes dans le coma.
Hein ? De quoi elle parle ?
— Ne vous inquiétez pas, nous avons bien pris soin de votre fils.
Ses yeux verts paraissent bienveillants et son visage respire la gentillesse. Je ne peux m’empêcher d’éprouver un sentiment de manque, de vide, de confusion suite à ses propos. Qu’est-ce que ça veut dire ? Je regarde le nourrisson. C’est le mien ? Non, je ne…
Je ne comprends rien.
— Bonjour.
La nouvelle voix me tire de mes réflexions. Une autre femme en blouse blanche se penche sur moi. Les cheveux noir de jais, la peau dorée, les yeux en amande, elle semble plus sérieuse, mais se montre affable.
— Comment vous sentez-vous ? demande-t-elle.
— Perdue, réponds-je, mécaniquement.
— Je comprends, assure-t-elle. Je vais tout vous expliquer. D’abord, dites-moi de quoi vous vous rappelez ?
J’essaie de me souvenir. C’est bien le problème. Je ne rencontre qu’une simple sensation de vide béant. Mon cœur palpite. J’endigue la peur qui m’étreint, l’abîme dans lequel j’ai l’impression d’avoir sauté. Est-ce normal de n’avoir rien dans le cerveau ? Je secoue la tête et la médecin pose une main sur mon épaule.
— Ne vous inquiétez pas, tout va bien, assure-t-elle.
Je puise de la force dans sa voix. Puis me tourne de nouveau vers le bébé qui gémit. Une mystérieuse émotion m’étreint le cœur. La confusion et la tristesse arrivent dans la foulée.
— C’est vraiment mon fils ? Pourquoi je ne me souviens de rien ? Pourquoi…
— Chut, chut… nous allons vous raconter ce que l’on sait et on verra pour la suite, assure la médecin.
J’acquiesce. Je comprends une chose. Ma vie devient difficile.
Chapitre 1
Vocalise
Deux ans plus tard
M on concert terminé, je salue d’un mouvement rapide les clients puis sors de scène, trempée de sueur. Normal quand on vient de performer pendant près d’une heure et demie. Cependant, je me félicite de porter une robe noire. Non seulement la couleur évite qu’on voie trop mes auréoles, mais, en plus, elle camoufle mes mollets musclés, mes abdos et surtout mes biceps de bûcheron. Parce que, selon le patron du pub, on ne peut pas être chanteuse et en même temps arborer un physique d’athlète. Encore des absurdités sexistes.
Je regagne ma loge et me jette sur une bouteille d’eau que je vide d’un trait. Mon portable vibre. Quatre SMS. Aïe. J’ai un mauvais pressentiment. Nora garde mon fils et, en général, quand il y a autant de messages, c’est qu’il s’est produit une catastrophe.
J’ouvre le premier et tombe sur ma progéniture, de la soupe tout autour de la bouche et sur une bonne partie du bavoir, sous laquelle Nora, ma nounou/voisine, a noté :
[Apprentissage de la cuillère… à revoir]
Je souris. Finlay a deux ans, il devrait pouvoir se servir d’une cuillère. Je crois qu’il a juste la flemme. Parce qu’il manie super bien la fourchette.
Le deuxième message contient une autre photo de lui en train de se brosser les dents.
[Il a tout fait tout seul, il est bien fier.]
Ça, c’est plutôt cool ! Le troisième le voit choisissant ses doudous pour la nuit et le quatrième le montre en train de dormir.
[C’est bon jusqu’à demain, je pense.]
Bon, finalement, pas de catastrophe à déplorer. Les tensions de mon corps disparaissent. Je ne devrais pas récupérer une Nora au bord de la crise de nerfs comme la dernière fois. Faut dire que Finlay avait placé la barre très haut : refus de manger, utilisation de la purée de carotte comme peinture de placard, attaque de nounou à la brosse à dents et caprice pour avoir deux histoires au lieu d’une. J’ai osé dire à Nora qu’il aurait pu faire pire.
Elle m’a foudroyée du regard. Je n’aime pas quand elle me foudroie du regard. Nora a le don de me faire croire que j’ai commis une boulette, que je devrais me prosterner à ses pieds et me rouler par terre pour qu’elle me pardonne. Un pouvoir très utile pour une nounou. Je le ressens et Finlay aussi. C’est assez intimidant. Toutefois, pas suffisant pour qu’il s’abstienne de faire des bêtises lorsqu’elle le garde.
[Profite de ta soirée. J’ai bientôt fini. Je serai rentrée dans vingt minutes.]
Je range mon portable, puis m’attaque au démaquillage. Je n’ai pas envie de sortir avec cette tête. Trop maquillée, comme une femme fatale. Ce n’est pas du tout mon genre. Je détaille, mes yeux verts mouchetés d’or, mes lèvres fines… je ne sais pas si je suis belle. Les artifices m’avantagent, paraît-il. De là à en déduire, qu’en fait je suis moche… Il n’y a qu’un pas. Je ne vois pas en quoi… La seule chose qui me déplaît, ce sont mes cheveux roux, bouclés, qui m’arrivent aux épaules et que je peine à discipliner.
Alors je comprends que je doive les coiffer pour la scène, d’autant qu’ils me gênent parfois dans mes mouvements lorsque je chante. Toutefois, le maquillage. J’ai l’impression de gommer le peu de personnalité que j’ai réussi à recréer en deux ans. Enfin, il paraît qu’au naturel, ce n’est pas vendeur.
Si je n’avais pas besoin de ce boulot pour vivre, je démissionnerais. Cependant, qui embaucherait une nana de vingt-neuf ans (a priori), sans mémoire, donc sans expérience et sans diplôme ? Sans Nora, je n’aurais jamais su que je possédais un talent vocal. J’ignore ce que j’aurais fait. Je lui dois vraiment une fière chandelle. Voisine, nounou, conseillère… c’est la providence qui me l’a envoyée à ma sortie de l’hôpital…
— Skye ? Tu es là ?
Andy, mon manager. Je soupire intérieurement. Aucune envie de lui parler. Mais si je ne le fais pas…
— Quoi ? râlé-je.
Il entre dans le petit réduit qui me sert de loge en arborant un grand sourire. J’en déduis que les consommations sont allées bon train. Ou alors que les paris sur la couleur de ma petite culotte ont dépassé ses attentes. Les hommes ont de drôles de manières de s’amuser. Je me suis insurgée quand j’en ai pris connaissance. Andy, beau joueur, a accepté que je reçoive une commission. Gagner du fric sur la bêtise masculine est un concept très lucratif.
— Tu as encore fait un malheur, félicite-t-il. Ta voix hypnotise tout le monde.
— Ravie de le savoir. Tu ne jettes pas ton argent par la fenêtre comme ça.
Il m’adresse une œillade puis s’approche un peu trop près de moi. Mon corps se tend. Il avance sa main. Je l’arrête en prenant son poignet.
— Andy, on ne touche pas, tu as oublié ?
— Je peux tenter, non ?
Il tente régulièrement d’obtenir un peu plus qu’un rapport d’employé à employeur. Je soupçonne que son physique relativement avenant doit séduire les femmes. Il est grand, costaud, les yeux clairs, les pommettes hautes, les cheveux noirs coupés courts… il ne doit pas essuyer souvent de refus. Sauf avec moi, mais je n’en ai cure.
— Non, assuré-je, ferme. Tu venais me voir pourquoi ?
— Tu pourras travailler jeudi soir ?
— C’est mon jour de congé, lui rappelé-je.
Le seul soir que je peux passer avec mon fils, lui lire une histoire, lui faire un bisou et lui dire bonne nuit. C’est ça de bosser pour un bar ouvert sept jours sur sept.
— Peut-être, mais un homme t’a vu et il veut que tu chantes pour l’enterrement de vie de garçon de son meilleur ami. Qui a lieu ici, jeudi.
— Qui fait son enterrement de vie de garçon un jeudi ?
Andy hausse les épaules.
— Aucune idée. Et je m’en cogne. Ils ont privatisé le pub et paient rubis sur ongle.
Je comprends qu’il n’ait pas su décliner l’offre. Eh bien, à moi non plus, il ne me refusera rien. Mes poings sur les hanches, je le regarde avec détermination avant de négocier.
— Dans ce cas, je veux mon samedi soir.
Il penche la tête sur le côté avec un petit sourire. Il révèle ses dents blanches parfaitement alignées. Je peux rêver pour le samedi. Je m’y attendais, cela dit.
— C’est notre plus grosse journée.
Comme prévu. Pas de soucis, ce n’était pas vraiment lui que je visais. C’est le b.a.-ba de toute tractation. On commence haut pour avoir le bas.
— OK. Dimanche dans ce cas.
Il n’a pas l’air ravi. Ce n’est pas discutable. Je le lui fais comprendre en mettant toute ma résolution dans mon regard. Je me suis révélée assez têtue lorsque j’ai une idée dans la tête. Il se gratte la tête puis soupire.
— Tu es la femme la plus butée que je connaisse. Très bien. Tu as ton dimanche soir. Mais rappelle-toi que je veux de nouvelles chansons pour jeudi !
Je grimace devant cette charge de travail, mais je ne peux pas non plus tout négocier. De toute manière, je commençais à en avoir marre de celles que je chante. Mon répertoire est devenu assez fourni maintenant. Chaque jour, un style et des titres dif