La lecture à portée de main
85
pages
Français
Ebooks
2021
Écrit par
Emmanuel Varle
Publié par
Éditions Lajouanie
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2021
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Publié par
Date de parution
17 septembre 2021
Nombre de lectures
5
EAN13
9782370471871
Langue
Français
Un lieutenant subtilise une médaille lors de sa première enquête. Limogé de la police, il est très rapidement soupçonné de trafic de stupéfiants et décide de se mettre au vert au fin fond du Morvan.
À quelques pas de sa planque, vit une communauté plutôt curieuse. Une aristocrate en rupture de ban, en ménage avec un vieux gangster proche d'un assassin en cavale depuis des années, règne sur une bande d'asociaux plutôt hétéroclite. Des véganes y cohabitent avec des chasseurs de ragondins braconnant à tout va. Tous fument plus que de raison...
L'ex-policier se lie avec quelques marginaux qui l'alertent sur d'étranges disparitions.
Emmanuel Varle est un ancien commandant de police. Au cours de sa carrière il a travaillé pour les renseignements généraux. C'est peu dire qu'il sait parfaitement de quoi il parle.
L'action se déroule dans une communauté de marginaux, isolée en pleine forêt. Un cadre bigrement original.
Un ex-policier kleptomane, voilà un héros peu conventionnel. Une galerie de seconds rôles plus inquiétants les uns que les autres.
Publié par
Date de parution
17 septembre 2021
Nombre de lectures
5
EAN13
9782370471871
Langue
Français
Couverture
Page titre
E MMANUEL V ARLE
EN CAVALE
Dédicace
À Jean-Luc
1
Dans le wagon, ça puait la bouffe et la crasse. Il était 14 h 55 et sa gare de destination venait d’être annoncée. Le punk d’une trentaine d’années, coiffé à l’iroquoise d’une crête bleue, voyageant sans billet venait de se faire rattraper par la patrouille. Les contrôleurs lui dressèrent une contravention pour défaut de titre de transport, puis une autre quand ils réalisèrent que le clebs à la gueule inquiétante – un dogue argentin – qui déambulait dans la voiture lui appartenait.
Le train s’arrêta sur un quai désert, cinq passagers descendirent : le punk et son molosse, trois grand-mères aux cheveux permanentés et violets et un jeune homme qui se dirigea vers un sexagénaire qui semblait l’attendre. Très grand, plus d’un mètre quatre-vingt-dix, une barbe blanche, des sourcils broussailleux bruns, une chevelure abondante : le type était en tous points conforme à la description qu’on lui en avait faite. Après une poignée de main très ferme, qui suscita une légère douleur chez Xavier, et deux mots de bienvenue, les deux hommes prirent place dans le véhicule du prénommé Pascal. Le géant démarra en trombe, réveillant en sursaut un clochard qui sommeillait couché sur un banc. Le SDF au visage sculpté par l’alcool, mécontent d’être sorti de sa léthargie lança en pestant une canette de bière en direction du véhicule, sans l’atteindre.
Dès les premiers kilomètres, assis inconfortablement dans l’antédiluvienne Fiat Panda, Xavier se rendit compte que les indications sur la personnalité du conducteur étaient correctes. L’homme des bois était un taiseux, répondant aux questions par monosyllabes. Un ogre, sorti des forêts profondes, mais qu’on devinait animé d’une certaine bienveillance, malgré quinze années passées en prison.
La maison était conforme à ce que lui avait annoncé son ami Manu : petite, perdue dans la nature, entourée de sapins et de mauvaises herbes. À l’intérieur, une pièce faisant office de cuisine, salon et salle à manger. Un lit monacal, deux chaises, une table, un poêle à bois et quelques placards à la peinture écaillée constituaient l’essentiel du mobilier. Un fusil de chasse était accroché au-dessus de la porte d’entrée. À l’étage, Xavier découvrit une chambre avec un grand lit, une armoire en châtaignier sortie des ateliers de menuiserie de la région au début du XX e siècle, un vieux fauteuil en velours et une table, bancale. Une vraie cabane de trappeur au confort spartiate, songea le jeune homme qui déplora l’absence de frigo et surtout de salle de bains.
— Je t’ai mis quelques provisions, dit le mastodonte, pour le reste, tu te débrouilleras. T’as un supermarché à dix bornes. Ils vendent de tout. Les cartouches pour le fusil sont dans le tiroir de la table, mais ici personne ne viendra te faire chier. Et pour tes déplacements, t’as un vélo. Il est un peu vieux et il couine, mais il roule. Ah, dans le jardin, t’as une grange avec du bois pour le poêle et aussi des transats un peu vieillots, mais confortables si tu veux profiter du beau temps.
Après avoir allumé une cigarette, il ajouta :
— Dernière chose, pour te laver, tu as une grande bassine en zinc. Il te suffit de la remplir, de prendre ton bain et de la vider. Sers-toi de l’arrosoir qui est sous l’évier de la cuisine. Tu pourras te laver avec le chant des oiseaux et le soleil devrait briller encore quelques semaines. Quand ça caillera trop, tu rentreras la bassine à l’intérieur sinon si t’es pas frileux, t’as la rivière en contrebas. L’eau froide, le matin, ça revigore !
Après ces quelques conseils, le sexagénaire taciturne était parti, laissant Xavier dans son nouvel univers.
La nuit commençait à tomber. Une nuit des premiers jours d’automne, légèrement brumeuse, qui rendait flou le paysage, et générait une froideur enveloppante. L’endroit était un peu sinistre, mais le jeune homme était, à moins d’être dénoncé, à l’abri des flics. Dans la maison régnait une forte odeur de moisi. Il chargea le poêle, sortit une bière tiède du placard et la but en fumant une clope. Il songea aux mains imposantes de Pascal et à la force qui s’en dégageait comme en avait témoigné la poignée qu’ils avaient échangée. Des mains témoignant d’un passé de violence, des mains de tueur.
Xavier monta dans la chambre. La mine soucieuse, il réfléchit aux deux dernières années de sa vie. Jamais, il n’aurait songé en arriver là, mais pourtant, il y était, au bord de la falaise. Un coup de vent et hop ! Finita la comedia !
Au-dessus de sa tête se trouvait un tableau représentant un paysage campagnard enneigé qui ressemblait beaucoup à une toile de Vlaminck. Xavier l’examina et vit qu’il n’était pas signé. Il se demanda si c’était un vrai. Il en avait vu à plusieurs reprises à l’hôtel Drouot et il était presque sûr de son authenticité. Un Vlaminck, qui devait valoir dans les cinquante mille euros, provenait très vraisemblablement d’un cambriolage.
Xavier descendit examiner le fusil de chasse, un Bergeron calibre 12, à canons superposés. Une arme classique de chasseur. Parfaite pour le gros gibier.
*
En arrivant aux abords du bar où il travaillait, il les avait tout de suite repérés. Trois mecs, jean et blouson ample, le regard décidé, l’air pas commode. Les flics, il les sentait à un kilomètre et ceux-là n’avaient pas des têtes à ressortir bredouilles de leur visite. Il était resté à une distance respectable de l’établissement et les avait vus y pénétrer et parler au patron, puis, il avait observé un des serveurs, Baptiste, son ami dealer – grand fumeur de weed et de shit devant l’éternel – se joindre à la conversation. Ce dernier était ressorti menotté, la mine défaite.
Il connaissait suffisamment son pote, sa manie de trop parler, son caractère fragile, son égoïsme pour savoir qu’il n’allait pas résister longtemps à la pression policière. Xavier était certain que, dès les premières heures de garde à vue, il allait craquer et le balancer lui, son pote de deal, et tenter de lui faire porter le plus grand des chapeaux, un sombrero mexicain.
Après être resté un court moment figé, hésitant, le cerveau en fusion, il avait décidé de réagir et vite. Dans la rue, il avait hélé le premier taxi qui se pointait et foncé à son domicile. Dans son appartement, il ne s’était pas attardé. Dix minutes, pas plus, juste le temps de rassembler ses affaires les plus importantes et d’ouvrir la cage à sa perruche à collier. Il savait qu’elle s’en sortirait bien dehors. Depuis plusieurs années, le ciel parisien bruissait du cri strident de ses congénères. La libérer l’avait chagriné. Après, il avait dévalé son escalier et ressenti un immense sentiment de crainte lorsque le souffle de la rue et son cortège de bruits l’avaient happé.
Son plan consistait à quitter Paris au plus vite, éviter les flics à ses trousses. En tant qu’ex-policier, il savait que ses anciens collègues allaient mettre un zèle particulier à le coincer. Heureusement, il connaissait un endroit tranquille, un lieu idéal pour se planquer. Il avait changé deux fois de taxi et sonné chez Manu, son ami de toujours. L’autre lui avait ouvert, une tasse de thé vert à la main et un joint au bec. En voyant sa coiffure rase au-dessus et longue et frisée à partir du cou, Xavier s’était dit, comme à chaque fois qu’il le voyait, que ce type était décidément le plus mal coiffé de la place de Paris et malgré les circonstances dramatiques, il avait dû étouffer un fou rire. Puis il lui avait brièvement expliqué sa galère. Son ami lui avait proposé d’aller se planquer dans une baraque perdue dans la nature appartenant à son oncle, un ancien truand rangé des voitures.
Personne ou presque dans l’entourage de Xavier ne connaissait Manu. Le jeune homme avait toujours eu la manie de compartimenter ses relations, les flics n’étaient pas prêts d’aller questionner son pote qui, de toute façon, ne leur dirait rien. Une vraie carpe le Manu et pas qu’avec les flics, un ancien gosse battu, abonné aux foyers, rendu méfiant par nature ! Mais une fois sa confiance gagnée, c’était tout bénef ; il se révélait le plus fiable des fiables. Rien à voir avec tous ces mous du genou, béni-oui-ouistes, afficheurs d’émotions sur commande. Manu était toujours dans le vrai, n’éludait rien. Avec lui, il n’y avait pas moyen de tricher.
Xavier savait que les policiers allaient diffuser dans les jours à venir une fiche de recherche avec tous les éléments le concernant ; identité, description physique, photo, délits lui étant reprochés. Il savait aussi que cette circulaire serait à diffusion nationale et que tous les services de police et de gendarmerie de France et de Navarre allaient en être destinataires. Il savait enfin qu’il était condamné à se faire coincer dans les semaines ou les mois qui viennent, qu’il allait connaître la prison avec le traitement spécial que lui réserveraient les autres détenus si les matons étaient assez salauds pour balancer son CV. Il était dans la merde, sa priorité était de retarder la date de son arrestation.
Dix-huit mois auparavant, la veille de son vingt-quatrième anniversaire, Xavier était sorti cinquième de l’école de police. Cinquième sur cent douze, un rang plus qu’honorable. Le jeune officier semblait promis à un brillant avenir. Le directeur l’avait félicité, son père s’était déplacé. Un père à moitié manouche qui détestait tout ce qui portait l’uniforme. Lors de la cérémonie, son père s’était souvenu des policiers qui tambourinaient comme des malades à la porte de la caravane aux premières lueurs de l’aube, des discussions avec le chef du camp, du départ du convoi vers une destination inconnue, des cris des gosses énervés, réveillés trop tôt, du vieux qui ne quittait jamais son chapeau avec sa plume d’oiseau et qui répétait toujours : Partout, ils nous chassent, ils nous détestent . Il avait revu le regard perdu de sa mère lors de ces expulsions. Elle n’était pas manouche et avait accepté en épousant le grand-père de Xavier de couper les