Les collemboles, indicateurs du type d humus en milieu forestier: résultats obtenus au Sud de Paris
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Les collemboles, indicateurs du type d'humus en milieu forestier: résultats obtenus au Sud de Paris

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In: Acta Oecologica, Oecologia Generalis, 1983, 4 (4), pp.359-374. Un tableau de fréquences croisant 64 espèces de collemboles et 94 relevés provenant de divers humus forestiers du sud de la région parisienne a été analysé à l'aide de l 'analyse factorielle des correspondances de Benzecri. Comme résultat, il s'avère que les collemboles peuvent être utilisés comme indicateurs du type d'humus, les mulls acides se rapprochant cependant de la faune des mors et des moders. C'est donc essentiellement l'acidophilie qui classe les espèces par rapport aux types d'humus. L'hydromorphie peut également être caractérisée par un certain nombre d'espèces, différentes selon que l'on est en milieu acide ou non.

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Publié le 23 janvier 2018
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Langue Français

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Les collemboles, indicateurs du type d'humus en milieu forestier.
Résultats obtenus au Sud de Paris
Jean-François Ponge
Muséum National d'Histoire Naturelle,
Laboratoire d'Écologie généraleER 204 CNRS,
4, avenue du Petit-Château, F 91800 Brunoy (France).
RÉSUMÉ
Un tableau de fréquences croisant 64 espèces de collemboles et 94 relevés provenant de divers humus
forestiers du sud de la région parisienne a été analysé à l'aide de l'analyse factorielle des correspondances de
Benzecri. Comme résultat, il s'avère que les collemboles peuvent être utilisés comme indicateurs du type
d'humus, les mulls acides se rapprochant cependant de la faune des mors et des moders. C'est donc
essentiellement l'acidophilie qui classe les espèces par rapport aux types d'humus. L'hydromorphie peut
également être caractérisée par un certain nombre d'espèces, différentes selon que l'on est en milieu acide ou
non.
MOTS-CLES:CollembolesEspèces indicatricesType d'humusForêt.
SUMMARY
A contingency table crossing 64 collembolan species and 94 statements sampled from different forest
humus of southern Parisian country has been analysed with the help of a Benzecri's factorial analysis of
correspondences. As a result, it has been ascertained that the collembola are good humus type indicators, acid
mulls being nevertheless close to moders and mors. Acidophily is the essential in order to classify the species
with respect to humus type. Hydromorphy may be also characterized by some species which are not the same
according as the middle is acid or not.
KEY-WORDS:CollembolaIndicator speciesHumus typeForest.
INTRODUCTION
GISIN, dans plusieurs articles consacrés à l'écologie, a insisté sur la valeur indicatrice des collemboles
relativement aux facteurs édaphiques (GISIN, 1943, 1947, 1948, 1951). Le premier de ces articles met en
évidence des espèces indicatrices de l'acidité des sols en milieu forestier. Dans un travail précédent réalisé en
forêt de Sénart (PONGE, 1980), le type de sol était apparu comme étant l'un des principaux facteurs de variation
de la composition spécifique. Une liste d'espèces indicatrices était donnée pour chacun des principaux types de
sol.
Depuis ce travail de 1980, un grand nombre de relevés ont été effectués dans d'autres sites situés tous au
sud de Paris, en forêt de Sénart (ARPINet al., à paraître), dans le Parc du Laboratoire d'Écologie générale (ARPIN
et al., 1980) et en forêt d'Orléans (PONGE&PRAT,1982;POURSIN&PONGE,1982;POURSIN&PONGE, à
paraître). Il était donc utile de rassembler l'ensemble de ces relevés et de faire le point sur la valeur indicatrice
des collemboles, relativement au type d'humus (terme que l'on préférera au type de sol, relatif à des phénomènes
se déroulant en profondeur).
Parallèlement à ces études, on peut signaler des résultats similaires concernant d'autres groupes
zoologiques du sol: oribates (WAUTHY, 1981), nématodes (ARPIN, 1979).
A. −Établissement des relevés
MÉTHODOLOGIE
Le mode de prélèvement utilisé est très variable, puisqu' il s 'agit du rassemblement de travaux
différents, ayant chacun une problématique déterminée. Comme la stratification verticale des carottes prélevées
n'a pas été toujours la même, certains prélèvements n'ayant d'ailleurs pas été stratifiés, il a été convenu de
rassembler les divers niveaux. La composition spécifique a donc été étudiée sans tenir compte de la distribution
verticale. De même, ont été éliminés tous les biotopes autres que le sol forestier proprement dit. Pour une vue
d'ensemble sur les facteurs déterminant la composition spécifique des peuplements de collemboles (y compris la
profondeur) on se référera au travail déjà cité (PONGE, 1980).
En annexe, figure la liste des stations prospectées avec leurs caractéristiques floristiques (selon la
nomenclature de BOURNERIAS, 1979), pédologiques (selon la nomenclature de DUCHAUFOUR, 1977), le type
d'humus et l'acidité.
En ce qui concerne le type d'humus, la nomenclature suivie est celle de DUCHAUFOUR (1977, 1980),
avec toutefois deux catégories supplémentaires introduites ici, c'est-à-dire les mulls-moders (BRUN, 1978), qui
correspondent à la catégorie appeléemull-like moderK par UBIENA (1953), et les dysmoders (BRUN, 1978),
appelés précédemment mors actifs, mais que l'activité de la faune et la nature de la coucheH (déjections
animales) rattachent aux moders. La nomenclature des couches organiques(L,F,H) correspond à la
classification de HESSELMANN(1926).
Le pH a été mesuré de façon variable selon les stations. Dans les stations 1 à 26, c'est une mesure
colorimétrique (indicateur pH universel) qui a été utilisée, donnant des valeurs à une demi-unité près. Dans les
autres stations, la mesure a été faite au 1/100 d'unité près à l'aide d'un appareil à électrode de verre. Dans tous les
cas il s'agit du pH eau et non du pH KC1. Comme seule la valeur moyenne a été présentée, elle a été arrondie au
1/10 d'unité près. La mesure du pH a, dans tous les cas, été effectuée au niveau de l'horizonA11, c'est-à-dire la
partie supérieure de l'horizonA1, la plus riche en matière organique. L'acidité mesurée au niveau de ce sous-
horizon (au sens de BABEL, 1971) résulte conjointement du mode d'évolution de la matière organique et de la
nature des éléments minéraux présents.
Le volume et le mode de prise des prélèvements de sol sont également variables. Dans les stations 1 à
26, le prélèvement a été réalisé à l'aide d'une pelle, à des niveaux différents (regroupés pour la présente analyse,
voir ci-dessus). Le volume est approximativement de 1 l. Dans les stations 27 à 87 le prélèvement consiste en 3
carottages à l'aide d'une sonde cylindrique de 5 cm de diamètre, sur une hauteur d'environ 15 cm. Le volume
3 total est d'environ 800 cm . Dans les stations 88 à 94, les prélèvements, de grand volume, ont été réalisés à l'aide
d'un cylindre de 20 cm de diamètre, sur une hauteur de 10 cm, soit un volume de 3 l environ. Rappelons qu'il
s'agit de travaux réalisés à des époques différentes et relatifs à des problématiques bien distinctes.
L'extraction de la faune a été réalisée dans des entonnoirs secs de type Berlese-Tullgren et les animaux
ont été recueillis dans l'alcool à 95°. Le montage a été réalisé dans le chlorallactophénol et les animaux ont été
déterminés un par un au microscope à contraste de phase. Chaque prélèvement fait donc l'objet d'un relevé
comprenant une liste d'espèces, chacune étant représentée par sa densité absolue de population. L'échantillon
dont la structure est étudiée est donc formé d'un ensemble de 94 relevés comprenant 64 espèces ou groupes
d'espèces. Les espèces présentes dans moins de 5 prélèvements ont été supprimées au moment de l'analyse, pour
éviter de tirer des conclusions trop hasardeuses relativement à leur écologie.
Un certain nombre de stations présentent des types d'humus plus ou moins influencés par
l'hydromorphie. Celle-ci a une importance particulièrement grande en forêt de Sénart et en forêt d 'Orléans. Deux
modalités peuvent se présenter, selon les caractéristiques de la roche mère. En zone argileuse à argiles gonflantes
(comme par exemple au niveau des marnes vertes en forêt de Sénart) se forment des hydro-mulls fortement
structurés par les lombrics (donc aérés). Ils sont souvent, dans les dix premiers centimètres, indistinguables des
mulls non hydromorphes, avec une disparition rapide de la litière et une intense incorporation biologique. La
seule différence morphologique est qu'ils reposent directement sur un gley. La décomposition de la matière
organique y est bloquée, mais à un stade avancé de l'humification (acides humiques gris (DUCHAUFOUR, 1977).
Ce processus est proche de ce que l'on observe dans les mulls calcaires, où c'est au stade de l'humine héritée qu'a
lieu ce blocage (DUCHAUFOUR, 1977).
Dans le cas d'une roche mère sableuse ou limoneuse décalcifiée, surtout lorsqu'il existe déjà au départ
des alternances de zones à granulométrie différente (comme c'est le cas dans les sables de Sologne (BRAUN-
BLANQUET, 1967) sur lesquels repose la forêt d'Orléans, ou en forêt de Sénart (BACHELIER&COMBEAU, 1971),
apparaît une hydromorphie de nappe, temporaire la plupart du temps (pseudo-gleys), parfois permanente (stagno-
gleys) (DUCHAUFOUR, 1977). L'évolution de la matière organique dans ces deux cas est tout à fait différente et
dépend du niveau supérieur atteint par la nappe. Dans le cas des stagno-gleys (que l'on trouve dans les
moliniaies), l'évolution de la matière organique est bloquée à un stade précoce: évolution tourbeuse. Dans le cas
des pseudo-gleys, en général l'évolution de la matière organique dans les quinze premiers centimètres (qui
concernent la faune) est peu affectée, seule la position des cations (Fe notamment) dans le profil sous-jacent est
sous l'influence des mouvements de la nappe (DUCHAUFOUR, 1977). Mais, si la nappe atteint en période
hivernale les premiers centimètres du sol, la répartition de la matière organique, et son évolution (notamment au
niveau de la couche de déjections animales) peuvent être sérieusement affectées. Seul ce dernier type a été en fait
répertorié comme pseudo-gley dans la présentation des stations (voir annexe). La présence de pseudo-gley dans
les autres stations (pseudo-gleys plus profonds) n 'a pas été mentionnée, car elle n 'affecte pas le type d'humus
(DUCHAUFOUR, 1977).
B. −Utilisation de l'analyse des correspondances
Cette méthode d'analyse multivariée a été spécialement mise au point pour traiter des tableaux de
fréquences croisant deux ensembles (ici l'ensemble des relevés et l'ensemble des espèces) (LEBARTet al., 1979).
Cette analyse étant maintenant largement utilisée en biocénotique et ayant fait l'objet de plusieurs publications de
l'auteur de cet article (PONGE,1973;GUILLE&PONGE,1975;PONGE,1980;PONGE&PRAT,1982;POURSIN&
PONGE, 1982), on se référera donc aux travaux cités ci-dessus pour l'interprétation des graphiques. Rappelons
cependant que l'analyse des correspondances ne prend en compte que les profils des relevés (par conséquent il
importe peu que les relevés soient riches ou pauvres), qu'un même relevé peut être répété autant de fois que l'on
veut sans modifier le résultat final (l'échantillonnage n'a donc pas besoin d'être «balancé» entre les divers
biotopes prospectés) et que cette méthode permet la représentation simultanée des espèces et des relevés dans le
sous-espace formé par les facteurs interprétables (ici les 3 premiers). Espèces et relevés jouent le même rôle vis-
à-vis des facteurs. Un type de milieu représenté par un groupe de relevés sera donc associé à un groupe d'espèces
qui le caractérise. L'analyse ne permet pas de faire la distinction entre les espèces caractéristiques exclusives ou
préférentielles et les constantes remarquables au sens que donnent à ces expressions les botanistes (BOURNERIAS,
1979). L'expérience montrant que la distinction entre ces notions est fort sujette à caution, surtout lorsqu'il s'agit
du sol, il sera fait référence à la notion d'ensemble caractéristiqueau sens de BOURNERIAS(1979). A l'intérieur
de cet ensemble, les espèces seront ditesespèces typiques. L'ensemble caractéristique est donc associé à un
ensemble de relevés sur les graphiques de l'analyse factorielle, mais ceci n'est valable que pour les régions du
nuage éloignées de l'origine des axes, car il est difficile pour les espèces placées dans la zone centrale de savoir
s'il s'agit d'espèces ayant une écologie intermédiaire (mais sténotopes malgré tout), ou bien d'espèces à écologie∙
large, recouvrant l'ensemble des biotopes prospectés (espèces eurytopes).
RÉSULTATS(fig. 1, tableaux I et II)
Un des buts de l'analyse des correspondances est de transformer un ensemble pléthorique de données
quantitatives ininterprétables sans un effort de classement gigantesque en un petit nombre d'informations
qualitatives aisément utilisables. Il ne sera donc pas fait état dans l'examen des résultats de tout ce qui concerne
les caractéristiques quantitatives des populations ou des peuplements (fréquence, abondance des espèces,
diversité spécifique, ordinations diverses, etc.). Toutes ces études nécessitent une standardisation précise de
l'échantillonnage, ce qui n'est pas le cas de la totalité du matériel étudié ici.
L'axe 1 (fig. 1) correspond en premier examen à un gradient allant des humus les plus acides aux humus
neutres et alcalins. Cependant, il faut se garder d'imaginer une transition progressive du typemor-dysmoder-
moder-mullmoder-mull acide-mull mésotrophe-mull eutrophe-mull calcique-mull calcaire. La réalité (du moins
celle de l'échantillon étudié) n'est pas aussi limpide. Il apparaît le long de cet axe deux groupes distincts se
chevauchant à peine: l'un groupe tous les mulls à pH5, qu'ils soient calcaires ou non, l'autre tous les humus
acides, y compris les mulls à pH < 5. La valeur 5 du pH semble être une limite correspondant à un changement
radical dans la composition spécifique. Il n'en reste pas moins vrai que les humus les plus proches de l'origine
(mulls acides du côté acide, mulls mésotrophes du côté neutroalcalin) ont une composition spécifique moins
«typée» que les humus appartenant à un type extrême dans l'une ou l'autre catégorie. C'est pourquoi
l'interprétation de l'axe 1 ne sera pas faite en termes de gradient, mais d'opposition entre deux pôles, que l'on
pourrait appeler pôle acidophile et pôle calcicole, par analogie avec les termes communément utilisés par les
botanistes (BOURNERIAS, 1979).
L'axe 2 n'a pas été conservé pour l'interprétation. Il correspond aux humus des pélosols (hydro-mulls à
imbibition capillaire (DUCHAUFOUR, 1977)) sans que la convergence avec les humus acides hydromorphes
apparaisse. Ceci est réalisé par contre le long de l'axe 3, c'est pourquoi le plan des axes 1 et 3 a été choisi pour
représenter l'essentiel de l'information qualitative contenue dans les données. Les autres axes ne sont pas
interprétables en termes de facteurs aisément reconnaissables. Dans chacun des groupes isolés par l'axe 1 on peut
distinguer, le long de l'axe 3, des variantes hydromorphes. Dans le cas de la variante hydromorphe acide, des
humus ne présentant pas de caractères hydromorphes sont éloignés de l'origine le long de la branche
correspondant à l'hydromorphie. Il semble en effet qu'il existe une forte analogie entre certains humus à fort
développement de la coucheHdysmoders) et les humus acides hydromorphes (hydro-mors, hydro- (mors,
moders) du point de vue de la composition spécifique, au point que l'on pourrait presque considérerWillemia
anophthalmaet (WAN) Mesaphorura yosiicomme des caractéristiques différentielles des mors et (MYO)
dysmoders, comme cela avait été suggéré dans un travail précédent (PONGE&PRAT, 1982), mais ce phénomène
n'est pas constant. Il n'a pas paru utile de séparer les mors et dysmoders des moders proprement dits car il n'est
pas possible d'établir avec certitude une composition spécifique de mor ou de dysmoder distincte de celle d'un
moder. Il convient seulement de remarquer que dans les humus à coucheHon trouve souvent des épaisse,
populations importantes deMesaphorura yosii (MYO) etWillemia anophthalma (WAN), comme dans les
humus hydromorphes acides.
Le tableau II présente les ensembles caractéristiques correspondant à chacun des deux grands groupes
d'humus (limite à pH 5), avec les ensembles caractéristiques différentiels des variantes hydromorphes. L'ordre
dans lequel sont citées les espèces correspond à un éloignement de moins en moins grand par rapport à l'origine,
c'est-à-direa priorià une valeur indicatrice de moins en moins grande, mais on doit garder présent à l'esprit qu'il
s'agit de caractériser les humus à l'aide d'un ensemble d'espèces. Sinon, comme en botanique, on risque de graves
déboires à vouloir utiliser une ou deux espèces seulement.
Dans l'étude des espèces il sera fait mention de considérations relatives à des facteurs écologiques non
étudiés ici, tels que la profondeur, l'humidité, etc. Toutes ces notations sur l'écologie des espèces sont tirées du
travail de biocénotique effectué en forêt de Sénart et déjà cité (PONGE, 1980).
A.Étude des humus à pH5
On notera que les espèces typiques sont toutes des espèces édaphiques, sauf dans la variante
hydromorphe, où ce sont au contraire des espèces de surface. Les mulls considérés ici (du moins dans les sites
prospectés, qui sont, il faut le signaler, des forêts humides) possèdent toujours, en surface, des espèces qui sont
en réalité des hygrophiles:Tomocerus minor (TMI),Isotomurus palustris (IPA),Tomocerus botanicus (TBO),
Sminthurinus aureus (SAU) sont présents, ne serait-ce qu'en petit nombre, même sur des mulls apparemment
«secs».
De même,Arrhopalites caecuset (ACA) Friesea truncataconsidérées dans le travail de 1980 (FTR),
comme typiques des accumulations de matière organique en milieu humide, sont associées ici à l'ensemble des
mulls à pH5, où elles vivent en profondeur.
Isotomiella minor(IMI), bien qu'étant non typique de ce type d'humus, lui est cependant associée dans
l'analyse. Ceci indique que cette espèce édaphique s'y développe en plus grand nombre que dans les humus
acides.
Le cas deTomocerus minor(TMI), hygrophile, est également à considérer à part. Le point relatif à cette
espèce est déplacé vers la branche correspondant à l'hydromorphie acide. Il s'agit en fait d'une espèce présente
également à la surface des sols acides, mais uniquement lorsqu'ils sont fortement mouillés (moliniaies, bords de
mares et de fossés, tourbières). Cette convergence a lieu également pourIsotomurus palustris (IPA),
Sminthurides parvulus (SPA),Sminthurides schoettiet (SSC) Lepidocyrtus lignorum (LLI), cependant ces
espèces sont des habitants fréquents des mulls, même non gorgés d'eau, alors qu'elles ne sont pas présentes
normalement dans les humus acides.
B. −Étude des humus acides
La position deParisotoma notabilis(PNO), espèce considérée comme eurytope relativement au type de
sol dans le travail de 1980, peut sembler curieuse. Il s'agit en fait, commeIsotomiella minor(IMI), d'une espèce
présente partout, mais en beaucoup plus grand nombre dans les humus acides. Ceci est probablement dû à une
épaisseur plus grande des couches de litière, puisqu'il ne s'agit pas, contrairement àIsotomiella minor (IMI),
d'une espèce de profondeur. De même s'explique probablement ainsi la fréquence dans les litières acides de
corticoles telles queVertagopus arboreus(VAR) ouXenylla tullbergi(XTU).
Une branche correspondant aux espèces de surface ou épigées telles queSminthurinus signatus (SSI),
Sphaeridia pumilis(SPU),Lipothrix lubbocki(LLU),Allacma gallica(AGA),Lepidocyrtus lanuginosus(LLA)
renferme un certain nombre de relevés en position nettement acide. Il s'agit d'humus à fort développement des
couchesLetF(mulls-moders). Ces espèces trouvent donc là un biotope particulièrement favorable.
La variante hydromorphe est caractérisée, contrairement à celle des mulls à pH 5, par des espèces
strictement édaphiques. Comme ceci avait été précisé dans un travail précédent (PONGE&PRAT, 1982), il faut
rappeler qu'en forêt de Sénart (et probablement aussi en forêt d'Orléans, bien qu'affirmer cela nécessiterait un
plus grand nombre d'observations) la formation des humus les plus acides (mors, moders) est tout à fait liée à
l'hydromorphie, l'humus «normal» en quelque sorte, sur les sols décalcifiés, étant le mull acide, avec une couche
Fplus ou moins épaisse mais sans formation de coucheH. De même, au niveau de la végétation, le groupement
végétal sur sols acides est la chênaie mésotrophe, avec des espèces d'humus doux (Hedera helix,Endymion
nutans, etc.) et sa dégradation hydromorphe la chênaie oligotrophe à molinie. La chênaie oligotrophe «sèche»
semble peu représentée sur ces terrains. Les humus les plus acides, et par conséquent aussi les espèces les plus
acidophiles, sont donc presque toujours associés à l'hydromorphie, temporaire (pseudo-gleys) ou permanente
(gleys). Ces phénomènes ont été particulièrement bien étudiés en Lorraine par BECKER(1972).
HYPOTHÈSES EXPLICATlVES
Il est possible, à la lumière des résultats de cette analyse et des travaux expérimentaux de différents
chercheurs, d'établir des hypothèses de travail pour une étude débouchant sur un certain degré d'explication des
phénomènes mis ici en évidence.
En ce qui concerne l'opposition entre les espèces calcicoles et les espèces acidophiles, il est intéressant
de confronter les travaux expérimentaux de RUPPEL(1953),MOURSI(1962) et ZINKLER(1966) sur la résistance
de certaines espèces de collemboles à des doses croissantes de CO2et ce que l'on sait sur l'atmosphère des sols
forestiers, calcaires ou acides (VERDIER, 1975). Si l'on examine les listes d'espèces étudiées par les trois auteurs
cités ci-dessus et qu'on les compare aux résultats de l'étude présente, on constate des coïncidences troublantes.
Chez RUPPEL (1953),Tomocerus vulgarisici [appelé T. botanicusne résiste pas à des teneurs en CO (TBO)] 2
supérieures à 2%, alors queOnychiurus armatus[appartenant au groupe d'espèces formant actuellement le genre
Protaphorura(PSP)] résiste à des teneurs de 35%. Chez MOURSI(1962),Onychiurus granulosus[espèce voisine
deOnychiurus pseudogranulosus (OPS)] a une tolérance très faible aux teneurs même peu élevées en CO2
(concentration létale 1,7%).Chez ZINKLER(1966),Tomocerus vulgaris[T. botanicus(TBO)] a un comportement
semblable (dose létale 5%, un peu plus élevée que dans les expériences de RUPPEL), alors qu'au contraire
Onychiurus fimatus[genreProtaphorura(PSP)] supporte des teneurs de 20%. OrOnychiurus pseudogranulosus
(OPS)etTomocerus botanicussont deux espèces calcicoles, alors que le genre (TBO) Protaphorura est
nettement acidophile. Les études de VERDIER (1975) ayant montré le pouvoir tampon du carbonate de Ca en
excès sur les variations de la teneur en CO2de l'atmosphère du sol, il est possible d'établir comme hypothèse de
travail que les espèces acidophiles sont des espèces résistant aux décharges de CO2 non tamponnées existant
dans les humus les plus acides (VERDIER, 1975). Les espèces calcicoles seraient alors des espèces plus
exigeantes, ne supportant que des atmosphères tamponnées telles qu'on les trouve dans les sols à teneur
suffisante en carbonate de Ca. Une étude expérimentale sur ce sujet sera entreprise prochainement.
L'acidité n'aurait alors aucune influence directe sur les animaux et ne donnerait qu'une indication sur la
pression d'équilibre du CO2un sol donné. Or, les études de M dans ERTENS (1975) surOrchesella villosa
semblent démontrer que l'acidité (obtenue par des solutions-tampon de pH croissant) agit directement sur le
comportement de fuite de cette espèce. Il est cependant tout à fait possible que, d'un groupe à l'autre, ce ne soient
pas les mêmes facteurs qui agissent.
Les réflexions de VANNIER(1983) sur les courbes d'échange O2-CO2dans différents milieux physiques
poreux (sols), liquides (eau distillée) ou gazeux (air) suggèrent une forte analogie entre les sols acides et l'air (pas
de pouvoir tampon), alors que les sols calcaires seraient beaucoup plus proches des milieux aquatiques (le
carbonate de Ca remplaçant le pouvoir solubilisant et ionisant de l'eau vis-à-vis du CO2). Cette analogie avec les
milieux aquatiques doit ici être soulignée car il est curieux de constater l'abondance des espèces hygrophiles
épigées [Isotomurus palustris (IPA),minor Tomocerus  (TMI),Lepidocyrtus lignorumou endogées (LLI)
(Friesea truncata(FTR),Arrhopalites caecus(ACA)] dans les sols calcaires.
CONCLUSIONS
Les résultats de ce travail confirment nettement l'analyse de 1980 (où l'axe 5 correspondait au type de
sol), à l'exception de quelques espèces, tellesMesaphorura krausbaueri(MKR), ouXenylla grisea(XGR), qui
viennent maintenant en position légèrement acidophile, au milieu des mulls acides. Ceci est dû à l'enrichissement
de l'échantillonnage en humus intermédiaires, qui montre que ces deux espèces peuvent très bien cohabiter avec
une faune typiquement acidophile [Micranurida pygmaea(MPY),Pseudosinellagroupeterricola-mauli(PTE),
par exemple). Mieux définir faunistiquement ces mulls acides est un objectif qu'il serait bon d'atteindre par la
suite grâce aux même méthodes. Ces humus sont intéressants à cerner car ils représentent en quelque sorte le but
vers lequel tendre lorsque l'on se propose d'améliorer une pratique sylvicole sur des sols dits «fragiles»
(sableux). En effet, tout en conservant les propriétés acides de la roche mère, ils constituent un mode
d'incorporation
biologique
de
la
matière
organique,
avec
remontées
considérablement les processus de lessivage et empêche la podzolisation.
organo-minérales,
qui
freine
Un autre résultat important de ce travail, déjà implicite dans celui de 1980 et confirmé par la suite, est
l'indépendance entre le peuplement de collemboles d'un sol forestier et le peuplement arboré correspondant. Les
mors et moders, qu'ils soient sous feuillus ou sous résineux, ont la même composition spécifique. Cela ne veut
pas dire pour autant que le sol soit indifférent à la litière qu'il reçoit, bien évidemment. Mais la relation avec la
faune est indirecte et passe obligatoirement par une relation avec le type d'humus.
Remarques:voici la concordance entre la nomenclature utilisée dans le présent travail (premier terme)
et celle de 1980 (second terme):Folsomides parvulus =Folsomides parvus; Kalaphorura burmeisteri =
Protaphorura burmeisteri;Monobella grassei=Bilobella grassei;Parisotoma notabilis= Isotoma notabilis.
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