La loi organique sur les lois de finances (LOLF), adoptée en 2001, est pleinement mise en application depuis janvier 2006. Cette loi s'inscrit dans un mouvement visant « à substituer un fonctionnement managérial à un fonctionnement juridique » basé sur deux grands principes : l'amélioration de la gestion publique et la transparence. Moins d'un an après la pleine mise en oeuvre de la LOLF et un an après le démarrage des audits de modernisation, ministère par ministère, qui l'accompagnent, ce rapport vise à souligner les enjeux de la réforme budgétaire pour l'État, pour l'organisation administrative et le management public, mais aussi pour l'économie française. Quatre questions sont successivement abordées, avec à l'appui des compléments figurant en annexe de ce rapport et rédigés par différentes personnalités : quels sont les principaux fondements de la réforme budgétaire ? Quelles leçons tirer des expériences menées en la matière à l'étranger ? Quels sont les principaux apports et défis de la LOLF ? Quelles principales recommandations déduire de ce « voyage » dans le nouvel espace budgétaire français ?
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Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Extrait
Économie politique de la LOLF
Rapport Edward Arkwright, Christian de Boissieu, Jean-Hervé Lorenzi et Julien Samson
Commentaire Philippe Herzog
Compléments André Barilari, Élie Cohen, François Ecalle, Claudia Ferrazzi, Brice Lannaud, Frank Mordacq, Jacques Pelletan, François Riahi et Alexandre Siné
Réalisé en PAO au Conseil dAnalyse Économique par Christine Carl
Introduction............................................................................................ Christian de Boissieu
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RAPPORT Économie politique de la LOLF........................................................ 7 Edward Arkwright, Christian de Boissieu, Jean-Hervé Lorenzi et Julien Samson
Chapitre 1. Fondements de la réforme budgétaire............................. 11 1. Les piliers de la LOLF : efficacité et démocratie .............................. 12 2. La mise en uvre de la LOLF : un parcours inédit ........................... 31 3. Lexigence démocratique : la révélation des préférences étatiques .. 37 4. Un impératif de gestion : le nécessaire dialogue entre le centre et la périphérie ............................................................ 57
Chapitre 2. Leçons des expériences étrangères................................. 63 1. Les réformes de la gestion publiquedans les États de lOCDE ......... 64 2. Une condition nécessaire au succès de la réforme budgétaire : la réorganisation des administrations .................................................. 82
Chapitre 3. Implications de la LOLF................................................... 91 1. La diffusion de la culture et des pratiques de la performance ........... 91 2. La reconfiguration des organisations administratives ....................... 101 3. La transformation profonde des responsabilités et de la gestion des ressources humaines .................................................................. 129 4. Lélargissement des marges de manuvre budgétaires ? ............... 146
Chapitre 4. Propositions pour concrétiser les potentialités offertes par la LOLF........................................................................... 157 1. Assurer une authentique révélation des préférences ....................... 158 2. Transformer lÉtat ............................................................................ 161 3. Gérer de manière efficace les finances publiques ........................... 166 4. Modifier les comportements par la transparence et lévaluation ..... 172
Annexe. La loi organique relative aux lois de finances du 1eraoût 2001 ...................................................................................... 180
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COMMENTAIRE
Philippe Herzog................................................................................... 211
COMPLÉMENTS
A.L état des débats sur les préférences gouvernementales........................................................................... 221 Jacques Pelletan
B. De la rationalisation des choix budgétaires à la LOLF.... 239 François Ecalle
C. La mesure de la performance de l action publique.......... 253 Alexandre Siné et Brice Lannaud
D. LOLF et agences......................................................................... 291 Claudia Ferrazzi et Frank Mordacq
E. La LOLF et la responsabilité des acteurs pour la mise en uvre des politiques publiques................... 303 André Barilari
F. LOLF et marges de manuvres budgétaires..................... 327 François Riahi
G. La LOLF et l autonomie des universités.............................. 351 Élie Cohen
La réforme budgétaire a été engagée en France récemment, avec lentrée en vigueur de la LOLF (loi organique sur les lois de finances) en janvier 2006. Elle est le fruit dun large consensus droite/gauche, suffisamment rare chez nous pour être souligné, et identifié par lactivité inlassable dAlain Lambert et Didier Migaud pour inscrire la LOLF dans notre réalité administrative, économique et citoyenne. Le rapport qui suit a pour ambition de mettre en évidence les fondements et la portée économique de la LOLF, sans nier pour autant ses autres dimensions. Il fait une distinction entre la LOLF et « lesprit de la LOLF », et souligne les grands axes de la nouvelle procédure budgétaire. Par delà larticulation missions/programmes/actions, la LOLF est loccasion pour lÉtat de mieux hiérarchiser et révéler ses préférences, de mieux analyser ce qui relève de ses compétences essentielles (le «core business») et ce qui lui est moins spécifique, de privilégier loptique de lefficacité de la dépense publique. Sur ce dernier point, lélaboration des bons indicateurs de perfor-mance est une nécessité et un défi, plus ou moins aigu selon les activités concernées. La LOLF, bien conçue et correctement appliquée, aura forcément des conséquences sur la répartition des compétences entre le centre et la « périphérie » (via le processus de déconcentration, la décentralisation, les-sor éventuel des agences comme cela sest fait au Royaume-Uni), sur le système de gouvernance publique et le dispositif de responsabilité (lcounaclitytabi des Anglo-Saxons). Non seulement le management pu-blic devrait être profondément modifié, avec à la clef des évolutions prévisi-bles dans le statut de la fonction publique, le système de rémunération et dincitations, le code des marchés publics, etc., mais aussi les relations entre le Parlement et lexécutif de même que les pouvoirs propres du Parlement vont sen trouver sensiblement changés. Il faut aussi appliquer un principe dexhaustivité : la LOLF doit rapide-ment gagner, après le budget de lÉtat, ceux des collectivités locales et de la Sécurité sociale. De plus, la nouvelle procédure devrait permettre une meilleure articulation entre le budget annuel et la pluri-annualité (en particu-
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lier sur trois ans), autrement dit un nouvel équilibre entre la réactivité indis-pensable à court terme et la stabilité et la visibilité requises pour les déci-sions à plus long terme (exemple, parmi dautres, de la défense nationale). Ce rapport débouche sur un certain nombre de recommandations per-mettant de faire de la LOLF un levier important de la réforme de lÉtat. On laura compris, la LOLF et les audits externes qui accompagnent sa mise en uvre sont des outils, dont la portée va dépendre de la volonté politique affirmée. Les enjeux sont immenses, car ils vont bien au-delà des aspects budgétaires et institutionnels. Rien nest encore joué, car avant de « ven-dre » la LOLF à lopinion publique, il faut dabord convaincre et rassurer les administrations et les fonctionnaires quil y a là le vecteur dune réforme gagnants-gagnants, pour les services publics et pour la collectivité dans son ensemble. Le LOLF est une chance à saisir. Cest pourquoi il faut tout faire pour que ses potentialités soient concrétisées, et quelle évite le triste sort de la RCB (rationalisation des choix budgétaires) il y a plus de trente ans. Le rapport a bénéficié du soutien efficace de Fabrice Lenseigne, con-seiller scientifique au CAE. Il a fait lobjet dune présentation à Jean-Fran-çois Copé, ministre délégué au Budget et à la Réforme de lÉtat, Porte-parole du Gouvernement, le 18 janvier 2007.
Christian de Boissieu Président délégué du Conseil danalyse économique
CONSEIL DANALYSE ÉCONOMIQUE
Économie politique de la LOLF
Edward Arkwright Administrateur du Sénat
Christian de Boissieu Professeur à lUniversité de Paris I, Panthéon-Sorbonne
Jean-Hervé Lorenzi Professeur à lUniversité de Paris-Dauphine
Introduction
Julien Samson Administrateur civil
« LÉtat jacobin français résiste de moins en moins bien aux implications économiques, sociales et poli-tiques de la globalisation, de la construction euro-péenne et de la complexification de la vie écono-mique. Alors que lensemble des pays de lOCDE met en uvre des réformes substantielles de leur appareil dÉtat et de leur administration, et plus généralement de la gestion publique, lÉtat français tarde à se réformer ». Jean-Jacques Laffont, 2000
Cest par ses mots quil y a près de sept ans, Jean-Jacques Laffont commençait une analyse économique de lÉtat dans un rapport du Conseil danalyse économique consacré à lÉtat et à la gestion publique.
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Depuis lors, le cadre de la gestion publique a été profondément boule-versé dans notre pays avec la mise en uvre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances, la LOLF. Adoptée en 2001 avec un rare consensus politique, elle est pleinement mise en application depuis janvier 2006. Cette « nouvelle constitution budgétaire » de la France précise les modalités de préparation, de vote, dexécution et de contrôle du budget de lÉtat. Elle introduit une nouvelle présentation du budget de lÉtat organisée autour de lemboîtement missions/programmes/actions. Désormais les grandes mis-sions de lÉtat, pour lessentiel ministérielles mais pour certaines dentre elles interministérielles, se décomposent chacune en un certain nombre de programmes, eux-mêmes traduits pour chacun dentre eux en actions. Elle insuffle une logique de performance, en prévoyant, pour chaque politique publique, des objectifs et des indicateurs de performance. Si la LOLF constitue une vraie révolution en matière de gestion publique, léconomie politique de la LOLF est à construire. Cette économie politique devrait déterminer, dune part, quel est le moyen de faire émerger les préfé-rences de lÉtat et les objectifs poursuivis par laction publique et, dautre part, quelle est lorganisation optimale de lÉtat qui permet datteindre ces objectifs et quelles sont les incitations données aux acteurs publics pour remplir leurs missions. La LOLF de 2001 constitue une révolution dans la comptabilité publique par rapport à lordonnance de 1959 qui a longtemps régi notre droit budgé-taire, et qui avait débouché sur une très grande rigidité de 90 % des dépen-ses de lÉtat les fameux « services votés », reconduits dannée en année de manière automatique, sans inventaire de la part du Parlement. Sagit-il, pour autant, dune révolution susceptible dentraîner une vraie réforme de lÉtat, toujours évoquée, rarement mise en uvre, au point que cette réforme de lÉtat est devenue au fil du temps lArlésienne de notre vie économique et administrative ? La LOLF est dabord un nouveau langage budgétaire, appliqué à lÉtat, puis ensuite aux organismes en charge des finances sociales et probable-ment assez rapidement, il faut lespérer, aux collectivités territoriales. Pour que ce langage devienne linstrument de la réforme de lÉtat, appuyé sur des considérations relatives à lefficacité des dépenses publiques, il lui faut être relayé par une volonté politique. Ce serait faire preuve de naïveté que de sous-estimer une telle exigence, comme il serait tout aussi naïf de la postuler toujours satisfaite. Alors que le principe de neutralité avait servi de point dancrage aux finances publiques françaises dans les années soixante (recherche de la neutralité du budget, de limpôt, du Trésor, etc.), la LOLF nest pas neutre, comme nous aurons loccasion de le voir, à au moins trois égards : elle conduit lÉtat à révéler ses préférences et à afficher clairement ses objectifs, à sinquiéter de leur éventuelle incohérence et à se préoccu-per de ladéquation des moyens aux objectifs ;
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elle démode la vision purement juridique de lÉtat, si présente dans le contexte français, au profit dune approche plus économique et financière et dune logique plus managériale ; elle déplace le centre de gravité de lorganisation administrative vers les responsables de programmes et les décideurs publics déconcentrés, voire décentralisés. Ce quil faut bien appeler « lesprit » de la LOLF est encore plus engagé et engageant que la LOLF elle-même, car aux trois ruptures potentielles ou effectives qui viennent dêtre évoquées, il ajoute lexigence de la révélation des préférences de lÉtat, celle aussi dun système dobjectifs pertinents et létape finale de lévaluation de la gestion publique et déventuelles sanc-tions face aux carences avérées. Moins dun an après la pleine mise en uvre de la LOLF et un an après le démarrage des audits de modernisation, ministère par ministère, qui lac-compagnent, ce rapport vise à souligner les enjeux de la réforme budgétaire pour lÉtat, pour lorganisation administrative et le management public, mais aussi pour léconomie française. Quatre questions sont successivement abordées, avec à lappui des com-pléments figurant en annexe de ce rapport et rédigés par des personnalités auxquelles nous exprimons notre vive reconnaissance : quels sont les principaux fondements de la réforme budgétaire ? quelles leçons tirer des expériences menées en la matière à létran-ger ? quels sont les principaux apports et défis de la LOLF ? quelles principales recommandations déduire de ce voyage dans le nouvel espace budgétaire français ?